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certains momens, elle n’a pu produire tout son effet, en raison du rapprochement des deux lignes adverses.

Le génie a fourni à chaque colonne d’attaque les élémens chargés de mettre la tranchée ennemie en état de défense ; toute la journée, il a exécuté ses travaux sous un feu violent qui les démolissait sans cesse.

La lutte a été magnifique : chaque pouce de terrain n’a été perdu, peut-on dire, que par la mort de son défenseur. Il n’y avait plus de bombes, il n’y avait presque plus de munitions, et le ravitaillement ne pouvait se faire par les ailes, qui étaient débordées et battues de flanc, ni par le centre où le boyau était encombré. Une compagnie de chasseurs s’est battue, pendant deux heures, avec les fusils et les munitions des Allemands, avec leurs bombes non éclatées qu’on leur relançait.

Une fois de plus s’est ainsi affirmée la nécessité de doter nos troupes de grenades pratiques et sûres en quantité suffisante pour qu’elles puissent les dépenser sans compter.

Toutes les unités engagées tant pour l’attaque et la conservation du terrain conquis que pour le maintien de nos positions a Blanleuil et sur les autres points du front, se sont montrées, toute la journée, admirables de courage, d’audace, de ténacité. Les officiers ont fait noblement tout leur devoir.

Les Allemands ont certainement subi des pertes très considérables, que tous affirment supérieures aux nôtres.


18 février. — Cette nuit, vers trois heures, les Allemands ont tiré leurs premiers obus sur le village où nous nous trouvons.

Le sifflement bien connu m’a réveillé. Personne au demeurant ne s’est levé. Il faisait noir, il faisait froid : deux excellentes raisons pour ne pas bouger. Il n’y a eu aucun mal, sauf quelques chaises et des assiettes cassées dans une popote des officiers.


20 février. — A Châlons, où je reste deux heures, j’assiste au défilé de quatre ou cinq cents prisonniers allemands, faits la veille dans la région de Perthes. Ils passent dans la grande rue, solidement encadrés de territoriaux baïonnette au canon. Le populaire est très excité. La plupart de ces soldats m’ont paru d’une qualité physique nettement inférieure à tout ce que