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criminelle : s’il se renouvelait aujourd’hui, a-t-il dit, ce serait un crime prémédité. » M. Guéchof et M. Danef se sont exprimés avec beaucoup plus de modération dans les termes, mais avec non moins de fermeté dans le fond. Quand ils ont eu fini, le Roi a pris la parole à son tour : « Messieurs, a-t-il conclu, j’ai écouté attentivement tous vos conseils et vos menaces. Je les transmettrai à mon président du Conseil et lui demanderai d’en prendre acte. » Après quoi, eut lieu une conversation d’un caractère moins solennel, où le Roi s’entretint plus familièrement avec chacun des représentans de l’opposition. Il demanda à M. Guéchof pourquoi M. Stamboliski avait pris un ton menaçant. M. Guéchof répondit : « Il prend dans le palais la liberté de parole qu’il n’a pas trouvée dehors. » Il est fâcheux, en effet, d’avoir à dire à un roi des vérités aussi dures ; il vaudrait mieux pouvoir les dire dans une assemblée ; mais que faire si on en ferme la porte ? A la demande de la réunion du Sobranié, M. Radoslavof a répondu par un acte sans exemple dans l’histoire parlementaire de tous les pays et qui est la plus sanglante injure qu’on ait jamais faite à une opposition : il a convoqué dans la salle des séances de l’assemblée les seuls députés ministériels, les autres ont été exclus. Il a donné alors les explications qu’il a voulu à ses fidèles dont le nombre s’est accru de la personnalité giratoire de M. Ghenadief, qui passe alternativement d’un parti à un autre, toujours en quête d’un portefeuille et entraine avec lui une fraction du parti stambouloviste. Cette pseudo-réunion du Sobranié a été un simulacre sans portée. Qu’est-ce qu’une assemblée ainsi épurée et tronquée ? Peu importe ce qu’on lui a dit, puisqu’il n’y a pas de contradiction possible. Le Roi seul a entendu le pour et le contre ; il a pu voir quels sentimens profonds il blessait dans le cœur de ses sujets ; il ne saurait ignorer que sa politique n’est pas celle du pays. C’est une politique imposée dont lui seul portera la responsabilité. Dans une autre version que celle du Temps, M. Stamboliski lui aurait déclaré qu’il en répondrait « sur sa tête. » A quoi le Roi a répliqué : « Songez surtout à la vôtre. » Nous aimons à croire qu’un propos aussi vif a été inventé, mais, pour avoir été inventé, il faut qu’il corresponde à un sentiment qui ne l’est pas.

Ce sont là des choses qui ne regardent, en somme, que la Bulgarie et qu’elle aura à liquider avec son Roi lorsque les événemens seront accomplis. Quant à nous, nous avons à nous placer à un autre point de vue, celui de notre intérêt et de l’intérêt de l’Europe dans la crise présente. Nous ne pouvons ici, en ce moment, qu’indiquer à très