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MOMMSEN
ET
LA MENTALITÉ ALLEMANDE

Parmi tous les domaines de l’activité intellectuelle, un de ceux où l’esprit allemand s’est appliqué avec le plus d’ardeur et d’obstination, un de ceux aussi où il a exercé jusque chez nous la plus profonde influence, est sans conteste celui des études relatives à l’antiquité gréco-romaine. Philologues, archéologues, historiens, juristes, tous nos savans, depuis plus d’un demi-siècle, ont été sur ce terrain les tributaires des maîtres d’outre-Rhin : les uns ont accepté leur autorité avec une dévotion béate, les autres ont rechigné contre elle, mais il n’en est guère qui ne l’aient subie. Or, que cette érudition allemande tant respectée ait eu ses mérites et rendu des services, qu’elle ait été laborieuse, patiente, souvent ingénieuse, quelquefois neuve et féconde, il n’est pas question ici de le nier ; mais qu’elle ait conservé, parmi beaucoup de qualités, sa marque ou sa tare originelle, qu’elle soit restée « allemande » au sens le plus propre du mot, c’est ce qu’on a peut-être trop fréquemment oublié, et ce que nous voudrions montrer par un exemple. Pour cela, négligeant les érudits de date récente et de moindre envergure, nous remonterons jusqu’à l’un des chefs de chœur les plus incontestables, jusqu’à l’auteur de l’Histoire romaine, Théodore Mommsen en personne ; nous essaierons de faire voir en quoi il représente, en quoi, sans doute aussi, il a contribué à former cette mentalité germanique moderne que nous avons trop bien appris à connaître.