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lassa bientôt de l’École des mines et rechercha un champ plus vaste, plus propice à l’éclosion d’une passion que ses parrains avaient semée dès son enfance dans cette âme avide. C’est à Leipzig, plus entamé par le courant de haine, qu’il trouva un terrain favorable à ses ambitions. Nous ne savons pas tout dans la vie de Théodore, mille choses nous échappent dans l’orientation de sa destinée ; mais ces lacunes prouvent l’intervention occulte d’émissaires mystérieux, chargés de gagner à leur cause les nouvelles couches pour les éloigner des milieux tièdes qui s’accommodaient du régime particulariste. Ce qui en soi peut nous paraître fort légitime, l’unité d’un peuple et son désir de secouer le régime étranger, devenait entre les mains de la Prusse un admirable prétexte pour l’édification de ses seuls intérêts avec le concours des petits États.

Dans le labyrinthe des combinaisons que bâtissent les peuples pour asservir leurs voisins, on perd souvent de vue le lent et patient entraînement des foules, toujours attentives aux chansons et aux beaux rêves. Pour échapper à une servitude guerrière, ils tombent dans une servitude pacifique et sont tout étonnés un jour de se sentir prisonniers d’intérêts étrangers qu’ils découvrent trop tard. Telle aventure se prépara pour les petits États dans la Prusse dont les flots d’éloquence magnanime versaient sur les pauvres égarés les raisons toujours supérieures d’une coalition. Les villes universitaires, réceptacles des énergies et des impatiences, étaient un excellent terrain de culture pour ces projets, et Théodore Körner y fut certainement très sensible.

En effet, dès l’arrivée du jeune étudiant, il fut fêté et écouté. Dans la parade quotidienne de cette soldatesque universitaire, il crie sans cesse en prose et en vers des grands mots et des grands sentimens. Les lettres à ses amis, — à ses parens il écrit rarement, — sont remplies de ses actes héroïques, et aussi du récit de ses vulgaires polissonneries, agrémentées et comme constellées des mots : honneur, droit, liberté, fidélité, courage et force. C’est une burlesque mêlée d’intempérance et de déclamations. Avec un grand sérieux, les historiographes de Th. Körner disent de cette période véhémente de leur héros qu’elle était l’école préparatoire de son sacrifice passionné à la Patrie. Soit, mais la survivance des mœurs barbares dans les Universités allemandes dont ils ne parlent pas, explique les mœurs