Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Prüm est justement indigné de la conduite de l’Allemagne à l’égard du Luxembourg sans doute, mais surtout de la malheureuse Belgique. La violation de la neutralité belge, les innombrables crimes de droit commun commis par les troupes allemandes sur la population civile, en particulier sur le clergé, et qu’il paraît fort bien connaître, trouvent en cet honnête homme un juge sans défaillance. Et il n’a pas de peine à montrer que ces procédés de guerre sont en contradiction formelle, absolue avec les principes chrétiens nettement rappelés par le pape Benoît XV dans son allocution consistoriale du 22 janvier 1915. Allant au fond des choses, il voit avec raison, dans la manière allemande de concevoir et de pratiquer la guerre, une véritable régression, un retour à la barbarie, ou, pour mieux dire, au paganisme. A ses yeux, l’auteur responsable, le théoricien de ce néo-paganisme, c’est Nietzsche, dont la philosophie violemment antichrétienne et profondément immoraliste a fait, dans l’Allemagne contemporaine, d’innombrables adeptes. La guerre que nous voyons se dérouler depuis plus d’un an, c’est, proprement, la guerre à la Nietzsche.

Mais ce qui, plus que tout le reste, scandalise M. Prüm dans les événemens actuels, c’est l’attitude du Centre, et, d’une manière générale, des catholiques allemands. Quoi ! les héritiers de Ketteler, de Mallinkrodt, de Reichensperger, de Windthorst, — « ces chevaliers, jadis, et ces défenseurs du droit et de la justice, » — n’ont pas une parole de désapprobation pour tous ces crimes, pas un instant ils ne songent à dégager leur responsabilité ! Ils ne se sont pas contentés de « laisser passer dans un silence pour ainsi dire absolu » l’allocution consistoriale du 22 janvier ; ils hurlent avec les loups, ils font leur partie dans ce concert de malédiction et de haine. Ils ont « approuvé sans restriction » la violation des neutralités belge et luxembourgeoise. Pratiquement, il n’y a aucune différence entre leur conception et la conception nietzschéenne de la guerre. C’est Erzberger qui écrit dans le Tag : « Plus impitoyable et plus cruelle est la guerre, et plus elle est humaine, parce que, de cette façon, elle aboutit plus vite à une fin satisfaisante… A la guerre, la plus grande absence de scrupules, si l’on y va intelligemment, coïncide en fait avec la plus grande humanité. Quand on est en situation d’anéantir Londres par un procédé que l’on a, cela est plus humain que de laisser un