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leur seconde ligne comme la première, c’est-à-dire bravement ; mais l’élan de nos troupes ne se ralentira pas non plus. Nous n’en dirons pas davantage aujourd’hui, puisque nos opérations, qui sont en bonne voie, ne sont pas encore terminées et nous nous bornerons à constater que les Allemands eux-mêmes reconnaissent nos succès ; ils se contentent d’en diminuer la valeur. Qu’est-ce, disent-ils, qu’une brèche de vingt-cinq kilomètres sur une muraille qui en a huit cents ? Et si une première ligne a été enfoncée, n’en reste-t-il pas une seconde et une troisième ? Soit : ce que nous avons fait n’est qu’un commencement, mais c’était peut-être le plus difficile.

Parmi les morts allemands restés sur le champ de bataille et parmi-les prisonniers, on a trouvé des soldats qui revenaient de Pologne. Cela prouve deux choses : d’abord que les Allemands s’attendaient sans doute à notre offensive, ensuite qu’ils commencent à ralentir, sinon encore à suspendre celle qu’ils poursuivaient, en Russie. Qu’ils s’attendissent à notre offensive, on n’en saurait douter : nous avons accumulé sur certains points de notre front des troupes en nombre trop considérable pour qu’on ait pu mettre complètement à couvert le secret de l’opération. Les Allemands ont senti venir le coup qui les menaçait et, pour y faire face, ils ont rappelé à la hâte une fraction des troupes qu’ils avaient sur le front russe. En outre, l’expédition, qu’ils entament en ce moment contre la Serbie les a obligés à en porter une autre de ce côté : d’où on peut conclure que nos alliés russes seront prochainement allégés d’une partie au moins de la pression qui s’exerçait sur eux. Ce sera la récompense du merveilleux déploiement d’énergie qu’ils ont fait depuis quelques mois et qui, aux yeux de l’histoire, compensera leurs pertes en Galicie et en Pologne. La retraite russe, avec les péripéties diverses, souvent angoissantes, toujours héroïques et glorieuses qui l’ont accompagnée, sera une des plus belles pages militaires qui aient été écrites. A plus d’une reprise, pourquoi ne pas l’avouer ? la crainte est entrée dans notre esprit. Les Allemands, eux aussi, manœuvraient avec une science militaire remarquable et avec une audace qui leur a plus d’une fois réussi ; mais l’armée russe a déjoué leur habileté par la sienne et, si on songe à la différence qu’il y avait entre les moyens d’exécution, on sent où a été le principal mérite et où doit se porter la principale admiration.

Les derniers succès russes tiennent aujourd’hui l’armée allemande en arrêt et il y a lieu de croire que, l’hiver aidant, elle s’arrêtera elle-même ou plutôt se détournera d’un autre côté : mais duquel ? Si elle