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réparer, un plus grand effort qu’il n’en aurait fallu pour l’empêcher.

Telles sont les raisons principales qui, après avoir été mises en balance avec celles qui conseillaient aux Alliés de s’abstenir, l’ont emporté et les ont finalement décidés à intervenir en Serbie ; mais il s’en faut de beaucoup que cette intervention soit dès maintenant ce qu’elle doit être. Nous n’avons encore qu’une poignée d’hommes à Salonique ; les Anglais en ont moins; les Russes et les Italiens n’en ont pas du tout. Nous savons bien que ce n’est qu’un commencement; mais nous savons aussi que, du côté ennemi, l’expédition a été préparée de longue main, et que les événemens risquent de se précipiter. Déjà, sur deux points, à Vrania et à Vélès, le chemin de fer qui relie Salonique à Nich a été coupé par les Bulgares et, comme ce chemin de fer est la seule voie par laquelle on puisse pour le moment ravitailler l’armée serbe, la nouvelle a jeté dans les esprits une préoccupation trop naturelle. D’après les derniers télégrammes, les Serbes ont repris Vélès, et nous les avons aidés dans cette tâche, mais le résultat de nos communs efforts n’est pas encore acquis d’une manière tout à fait certaine. La prise d’Uskub par les Bulgares est encore venue compliquer la situation. De plus, les Austro-Allemands ont passé le Danube à Orsova, c’est-à-dire au point d’intersection des frontières autrichienne, serbe et roumaine. Le plan de campagne de l’ennemi commence à se dessiner, et ce n’est pas à tort qu’on y voit l’intention d’envelopper l’armée serbe, en s’emparant des points par lesquels, aujourd’hui ou demain, elle peut recevoir des secours. Les Serbes ont heureusement dans le voïvode Putnik un général qu’on dit être de premier ordre. Leur désespoir même peut les sauver. Mais que feront-ils? Quelle méthode de guerre adopteront-ils? Quel appui pourrons-nous leur donner et quel sera pour cela le moment le plus utile? Questions délicates, et la compétence nous manque pour y pour répondre : le temps le fera bientôt.


La situation balkanique devait ramener le ministère devant les Chambres; mais elle ne l’y a pas ramené tout entier; la veille de la discussion, M. Delcassé a donné sa démission de ministre des Affaires étrangères. On sait quelle compétence il avait acquise dans le long exercice de cette fonction et l’autorité dont il jouissait dans le monde diplomatique. En Allemagne, cette autorité avait fait naître contre lui des sentimens très vifs : on le redoutait et on le haïssait. La nouvelle de sa retraite y a déchaîné une explosion de joie mêlée d’orgueil, comme si on avait remporté une véritable victoire. Ce sera