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nomination. Cependant les faits ne tardèrent pas à justifier mes démarches. À peine rentré à Péra et installé tant bien que mal dans l’ancien logement que j’occupais à l’ambassade comme conseiller, je tombai gravement malade. Cette maladie fut reconnue plus tard comme une fièvre typhoïde. Un abattement général, accompagné de fièvre et de dérangement gastrique, me cloua à mon lit pour près de trois semaines, et mes forces s’en allaient rapidement. Je télégraphiai encore une fois pour dire que, étant couché et incapable de travailler, je ne pouvais diriger les affaires et priai de m’autoriser à les passer, jusqu’à ce que d’autres dispositions fussent prises, à l’ex-premier drogman, M. Onou. On me répondit que M. Onou pouvait faire les affaires, mais que je devais rester titulaire du poste et imprimer la direction voulue. Mais déjà je n’étais même plus capable de prendre connaissance de rien. M. Onou se vit obligé de télégraphier à Pétersbourg que les médecins m’avaient ordonné le repos le plus complet, et c’est lui qui commença à signer les télégrammes dont l’échange avec le ministère devenait de plus en plus fréquent et important. Néanmoins, quand de grandes questions se présentaient au quartier général où une intervention diplomatique devenait nécessaire, le général Népokoïtchtzky, chef d’état-major de l’armée, le général Gourko, ou même le grand-duc venaient s’asseoir au chevet de mon lit pour demander mon avis. Inutile de dire que ces entrevues, qui m’émouvaient tout autant qu’elles me fatiguaient, avaient l’effet le plus funeste sur l’état de mes nerfs, cause principale de ma maladie.

Ce qui se passait pendant ce temps-là, je m’en rendais à peine compte et je n’en ai gardé aucun souvenir. Les fêtes de Pâques survinrent. Notre ministre à Athènes, M. Sabouroff, vint faire sa visite au quartier général : je le fis installer à l’ambassade, et, à peine convalescent, n’ai gardé que le souvenir d’entretiens absolument découragés que j’eus avec lui et où, dégoûté de tout ce qui s’était passé et sentant combien l’avenir était encore gros de complications, je ne demandais qu’à me retirer de l’Orient, voire de la diplomatie, si un autre moyen de me rendre utile pouvait se présenter pour moi.

Cette situation dura jusqu’à la mi-avril. Le 17, jour de la fête de l’Empereur, le grand-duc, qui venait d’être relevé de son commandement et remplacé par le général Todtleben,