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salons de Berlin et dans le monde politique, alimentaient les conversations, n’avaient trait qu’à l’avenir, et le présent ne permettait pas de prévoir le terme de la faveur du chancelier ni qu’un jour viendrait où ses conseils ne seraient plus écoutés. Le 1er janvier 1889, on eut la preuve qu’ils étaient toujours suivis. Un décret impérial décerna le grand cordon de l’Aigle Noir à l’ancien ministre de l’intérieur Puttmaker, dont Frédéric III, à son avènement, avait exigé la démission. Cette distinction accordée à un personnage qui lui avait été toujours hostile, fut considérée comme une injure à sa mémoire et une offense pour sa veuve, grief nouveau qui vint s’ajouter à tous ceux que les ennemis de Bismarck avaient accumulés contre lui. Il irrita au plus haut degré les deux impératrices douairières et peut-être, ce jour-là, l’Empereur se laissa-t-il émouvoir par leurs plaintes. Ce qui permet de le supposer, c’est que ce fut le dernier acte par lequel se manifesta l’influence souveraine de Bismarck sur Guillaume II, et que parmi ceux qui suivent, on n’en constate plus désormais aucun ayant un caractère injurieux pour ses parens.

L’année qui commence s’écoulera sans complications nouvelles entre sa mère et lui. Une réconciliation définitive s’opérera dans la famille impériale et plusieurs faits en attesteront la sincérité. C’est du reste une année toute à l’apaisement. En prévision de l’Exposition Universelle qui allait s’ouvrir à Paris, un accord semblait être intervenu entre toutes les Puissances pour faire trêve aux différends qui les divisaient. Les relations entre la France et l’Allemagne devenaient plus cordiales. Le consentement donné par le Cabinet de Berlin à l’exhumation des cendres de Lazare Carnot, demandée par le gouvernement français, qui voulait les transporter de Magdebourg au Panthéon, imprimait aux rapports des deux États un caractère de courtoisie qui était réciproquement interprété comme un désir de rapprochement. Il est au moins certain qu’il y avait une détente, et que Guillaume II s’y était prêté. Au mois de mai, en conférant la décoration de l’Aigle Noir au comte de Munster, ambassadeur d’Allemagne à Paris, il lui écrivait qu’il avait voulu le récompenser « pour le service qu’il a rendu à l’empire en maintenant la paix avec la France. » D’autre part, il se prononçait pour la suppression du régime des passeports à la frontière d’Alsace-Lorraine, et il