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le visage bouleversé et les yeux remplis de larmes. Il voulait partir pour Vienne afin d’assister aux funérailles de son ami, et, s’il y renonça, ce fut sur l’instante prière de l’empereur d’Autriche, à qui l’ambassadeur avait fait part de cette intention.

L’attitude de Guillaume en cette circonstance eut pour premier effet de lui ramener le prince de Galles. Touché par les manifestations de la douleur de son neveu, l’oncle se montra moins sévère pour les actes passés et les rapports familiaux entre la Cour d’Angleterre et celle d’Allemagne ne tardèrent pas à s’en ressentir. Quand la conduite de l’Empereur fut connue, on l’interpréta comme le symptôme d’un changement dans son esprit, qui devait tôt ou tard lui suggérer le désir de se soustraire aux influences qu’il avait subies jusque-là. Mais durant plusieurs mois encore, divers incidens qui se succédèrent dans la vie politique de l’Empire, ne le laissèrent pas se trahir. Ce fut d’abord le décès de l’impératrice Augusta, veuve de Guillaume Ier. Depuis trop longtemps, on attendait sa fin pour qu’elle pût produire un grand effet ; mais la Cour fut en deuil et, durant cette période, toutes les intrigues semblèrent suspendues. Commencent ensuite les visites de souverains qui viennent rendre à Guillaume II celle qu’ils ont reçue de lui. Au mois de mai, le roi d’Italie arrive à Berlin. L’Europe ne s’en inquiète pas et s’émeut seulement lorsque le bruit se répand que l’Empereur a eu la pensée de le conduire à Strasbourg, ce qui serait une provocation à la France. L’émotion ne dure qu’un jour ; elle s’apaise lorsqu’on apprend que ce projet de voyage a été abandonné. La visite de l’empereur d’Autriche qui succède à celle du [roi Humbert laisse le public dans l’indifférence. On remarque seulement que, lors du banquet donné en l’honneur du visiteur, au toast de Guillaume, révélateur de son tempérament belliqueux, François-Joseph a répondu sans faire comme lui une allusion à la guerre.

Guillaume a dit :

« Mon armée a conscience qu’elle est fortement unie à la brave armée austro-hongroise pour le maintien de la paix dans nos États et que, si telle devait être la volonté de la Providence, l’une et l’autre combattraient coude à coude. »

La réponse de François-Joseph ne vise que la première partie de cette allocution et passe l’autre sous silence.

« Je bois, déclare-t-il, à la consolidation d’une union