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serait-il pas fondé à demander qu’on taxât votre travail et le prix de vos journées ? »

Dans le même document, destiné à recevoir la plus large publicité, ce n’est pas l’accapareur que les comités dénoncent et combattent, c’est l’ambition et la perfidie du flatteur qui parle de recherches, de saisies, de taxations, de visites domiciliaires, qui voit partout des conspirateurs ou des traîtres, et cherche à soutenir son crédit en se rendant nécessaire.

La conclusion vaut d’être citée ; elle pourrait être lue demain avec profit pour tous ceux qui nous parlent des bienfaits de l’intervention gouvernementale et qui prétendent imiter les hommes de la Révolution.

« Citoyens, disait le rapporteur Lequinio, vous attendez de nous la vérité ; nous serions des parjures si nous.ne savions pas vous la dire, la voici :

« Tout ce que vous faites pour régler le commerce des blés ne sert qu’à l’entraver.

» Toutes les mesures qui vous paraissent tendre à diminuer le prix du blé ne mènent, au contraire, qu’à le faire renchérir. »

Quelques mois après, Creuzé-Latouche combattait les opinions qui avaient cours au sujet des accapareurs et s’exprimait ainsi : « Eh bien ! ayons donc le courage de dire une fois publiquement au peuple la vérité pour son salut. — Il n’y a pas d’accaparemens. — Il n’y a pas de monopoles, lorsque le commerce des blés est libre et que le gouvernement ne s’en mêle pas. »

Si nous avions à combattre demain le projet de taxer les subsistances, nous devrions dénoncer à la fois l’attentat commis contre les droits du propriétaire et la prétention inadmissible de ceux qui s’arrogent le pouvoir, de fixer les prix, sans souffrir que les circonstances économiques viennent les modifier.

C’est encore un conventionnel, c’est Creuzé-Latouche qui a fait valoir ces argumens avec une précision et une justesse de vues qu’on ne saurait trop louer.

« Les fruits de la terre, disait-il (23 avril 1793), ne viennent que par l’industrie, et le premier aliment de cette industrie, ce moyen sans lequel la terre resterait inculte, et l’homme réduit à manger du gland, c’est la propriété.