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laisserions désarmer ou interner ni les Serbes, ni nous. On assure que M. de Jagow, ministre des Affaires étrangères d’Allemagne, a notifié à son tour au ministre de Grèce à Berlin que, dans le cas où les troupes alliées, refoulées sur le territoire hellénique, n’y seraient pas désarmées, les troupes allemandes seraient obligées de les y poursuivre. Il fallait s’attendre à cette déclaration. Tout ce que nous pouvons dire au gouvernement hellénique est que nous ferons notre possible pour lui épargner l’épreuve qu’il redoute, et que nous espérons y parvenir. À bout de prodiges, l’armée serbe paraît être en voie de se réfugier, non pas en Grèce, mais en Albanie et au Monténégro. Quant à nous, nous sommes à Salonique, et nous avons l’intention d’y rester. Au surplus, notre droit de le faire n’est pas contesté, puisque M. Rhallys, dans sa conversation avec le rédacteur du Daily Mail, a repoussé avec force toute idée de nous inquiéter Le contraire, a-t-il dit, « serait fou. » Et il a ajouté que les troupes alliées pourraient « creuser des tranchées et se défendre comme en France. » Nous ne pourrions, en effet, nous contenter à moins. Le port de Salonique, le territoire adjacent, les voies d’accès doivent rester à notre disposition. Ce n’est pas tout : nous demandons que les troupes grecques qui ont été concentrées et comme accumulées à plaisir autour de Salonique, en soient éloignées, car elles n’y peuvent faire rien d’utile, ni pour elles, puisque nous répondons de la place, ni pour nous, qu’elles ne peuvent que gêner.

Ici, nous serons tout à fait franc. Le gouvernement hellénique ne cesse pas de protester de sa bonne volonté à notre égard et, comme nous l’avons déjà dit, nous croyons à sa parole. Ce n’est pas une raison, parce que le gouvernement bulgare s’est conduit à notre égard avec une ruse perfide et grossière, pour que nous soupçonnions tous les autres d’en faire autant, et jusqu’ici, rien, dans la conduite de la Grèce à notre égard, ne nous permet de la confondre avec sa voisine. Elle est, en somme, autrement civilisée. Mais, si nous ne nous mêlions pas de sa loyauté, comment ne prendrions-nous pas des précautions contre ses faiblesses ? N’a-t-elle pas montré, ne montre-t-elle pas encore aujourd’hui, qu’il y a des situations plus fortes qu’elle, où sa volonté hésite, tâtonne, se dément ? Quand elle a signé son traité d’alliance avec la Serbie, elle avait indubitablement l’intention d’y rester fidèle. L’a-t-elle fait ? Le gouvernement grec s’est montré, pour le moins, très mobile depuis quelque mois : où sont nos garanties contre cette mobilité ? Nous aurions pu en trouver dans la constitution du royaume, si elle avait été respectée, mais elle ne l’a