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Le charmant jeune roi, si intéressant avec son aspect maladif, ôta son chaperon. Aussitôt l’empereur, dont le costume tout oriental d’une richesse éblouissante n’admettait pas ce genre de coiffure alors seul autorisé par la mode dans le royaume de France, enleva à son tour son bonnet impérial. C’est encore le moine de Saint-Denys qui nous donne ce détail. Les deux princes, cherchant par courtoisie à se prévenir l’un l’autre, s’adressèrent à la fois une salutation, le roi en français, l’empereur en grec. Mettant pied à terre, ils s’avancèrent l’un vers l’autre et se donnèrent le baiser de paix, s’embrassant avec effusion. Le jeune roi s’efforça d’accompagner ces démonstrations d’un air riant et gracieux que chacun remarquait aisément sur son visage. Il cherchait à témoigner à son hôte, par ses paroles et son air de satisfaction, qu’il était ravi de son arrivée. Puis les deux souverains, remontant à cheval et cheminant côte à côte, se remirent en marche pour entrer enfin dans Paris, « parés tous deux de grâce et de gravité. » J’ai dit la belle prestance du basileus. Le Roi, quoique affaibli par la maladie, avait encore toute la jeunesse de ses trente-deux ans et ses traits réguliers respiraient la bonté.

Le Religieux de Saint-Denys nous dit que Manuel portait un vêtement impérial de soie blanche. Il n’avait alors que cinquante-deux ans, mais, tant de tribulations l’ayant vieilli avant l’âge, il paraissait beaucoup plus vieux. Il était de moyenne taille- Mais sa longue barbe blanche étalée sur sa large poitrine, ses membres robustes, ses longs cheveux également blancs descendant sur ses épaules, attiraient tous les regards et faisaient dire à chacun qu’il était bien digne de porter la couronne impériale. Il était resté souple et léger, grâce à une extrême pratique des exercices du corps. Aussi, lorsque le roi Charles lui eut fait amener ce jour-là, à la porte de la capitale, certainement la porte Saint-Antoine, un coursier blanc, honneur souverain que Charles V, son père, avait refusé dans les mêmes circonstances, le 4 janvier 1378, à l’empereur d’Allemagne Charles IV, la foule parisienne fut émerveillée de le voir bondir avec une suprême légèreté du cheval qu’il montait sur celui qu’on lui présentait. La superbe procession traversa les rues de la ville admirablement parées, encombrées d’une foule immense, les deux souverains chevauchant constamment côte à côte, suivis des princes du sang et de tous les autres hauts