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occupée, que tous les membres du gouvernement étaient réunis et siégeaient en permanence. Je courus au bureau télégraphique ; je pus expédier à Bruxelles un télégramme annonçant la fâcheuse nouvelle ; puis, j’allai à l’hôtel du gouvernement où je trouvai M. Eyschen et ses trois collègues ministériels, MM. Mongenast, de Waha et Braun, ainsi que M. Munchen, bourgmestre de la ville de Luxembourg, consternés et occupés à rédiger une protestation qui devait être remise immédiatement au ministre d’Allemagne, M. von Buch, et une proclamation adressée à la population.

Vers les neuf heures du matin, un train blindé comprenant neuf wagons et un truck chargé de rails, pénétrait dans la gare. Il en descendait une compagnie de soldats du génie. Au capitaine qui le commandait, le lieutenant Franck, de la gendarmerie luxembourgeoise, fut chargé de remettre une protestation. Ce capitaine déclara qu’il avait pour mission d’occuper la gare et les lignes de chemins de fer.

D’autres trains ne tardèrent pas à amener de nouvelles troupes. Il en arriva ensuite par toutes les routes de l’Est et du Nord. Bientôt ce ne furent pas seulement la gare, mais les ponts qui furent gardés. Des patrouilles sillonnèrent la ville en tous sens ; des sentinelles furent placées dans les bâtimens de la poste et du télégraphe. Le service télégraphique ne put continuer à fonctionner que sous le contrôle de l’autorité militaire occupante.

Tels sont les faits. Quelles furent les raisons invoquées pour les justifier ?

Dans le cas du Luxembourg, comme dans celui de la Belgique, le mot d’ordre donné à Berlin fut que la neutralité du pays envahi avait déjà été violée ou était sur le point d’être violée par la France. « Les mesures militaires sont devenues inévitables à notre plus grand regret, dit le télégramme adressé le 2 août par M. de Jagow à M. Eyschen, par le fait que nous avons des nouvelles certaines d’après lesquelles les troupes françaises sont en marche sur Luxembourg… En présence du péril imminent, nous n’avions malheureusement plus le temps d’en aviser préalablement le gouvernement luxembourgeois. »

On remarquera l’ambiguïté de l’expression : « sont en marche sur Luxembourg[1]. » Les troupes françaises ont-elles

  1. Le texte allemand dit : « ..dass wir zuverlässige Nachrichten haben, wonach französische Streitkräfte im Vormarsch auf Luxemburg sind. »