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convenues selon un procédé bien connu. Il y eut à ce sujet une amusante polémique entre la Politique de Pékin, organe officieux du Cabinet et le Journal de Pékin, appartenant à des Européens, cette dernière feuille ayant renseigné ses lecteurs sur les sommes que recevaient les compères, chargés de simuler à l’usage du public occidental, la voix du peuple.

Car, chose digne de remarque, tout ce bruit n’est fait ni pour les Chinois, ni pour les étrangers résidant dans le pays où tout le monde rit à l’idée d’un plébiscite, d’un vote indépendant, puisque aucune liberté politique n’existe plus et que tout opposant réel devient suspect de rébellion et peut être exécuté comme tel.

On spécule visiblement sur la difficulté d’être renseigné exactement en Europe et on espère faire facilement prendre, à un public qui se trouve si loin et que l’on a besoin de ménager, des apparences pour des réalités. De là, tous ces procédés imités de l’agence Wolff pour tâcher d’influer sur nous ; de là, un simulacre de consultations nationales à notre usage ; de là, l’annonce de la deuxième abdication du petit empereur pour légitimer Yuen Chekai après avoir solennellement légitimé, une première fois, la République.

En vue de la réalisation de son projet, Yuen Chekai s’assura l’adhésion de l’Allemagne. L’Asashi nous apprend, en effet, que le jour où M. Lou, ministre des Affaires étrangères, alla consulter le représentant du Kaiser, le diplomate l’accueillit chaudement : « Rien ne peut, lui dit-il, être plus agréable à S. M. l’empereur d’Allemagne, qu’un pouvoir fort en Chine. » D’ailleurs, les Allemands n’ont qu’à se féliciter du concours habile qu’ils ont trouvé près du dictateur chinois ; c’est grâce à celui-ci, — la presse n’étant point libre, — qu’ils ont pu, depuis le début de la guerre, exercer une influence considérable sur les journaux chinois, créer de nouvelles feuilles et travailler l’esprit public de ce vaste pays selon leurs procédés habituels.

D’autre part, une restauration impérialiste posant la question de la reconnaissance du régime nouveau par les Puissances ainsi entraînées à consacrer de leur approbation la violation d’un serment de fidélité à une Constitution régulière, M. Wilson, toujours scrupuleux, s’informa de divers côtés et auprès de Yuen Chekai lui-même, de la valeur du soi-disant mouvement monarchiste dont on faisait tant de bruit. Après avoir constaté que tout cela était factice, il fit savoir au dictateur chinois que