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contenter, je déclarai que je resterais à mon poste, quoi qu’il advint, aussi longtemps qu’on ne pourrait m’en donner de plus satisfaisante. Des instructions furent alors demandées à Berlin. Le lendemain, dans la matinée, M. Eyschen m’apportant en personne un laissez-passer conforme aux desiderata que j’avais exprimés et signé par le ministre d’Allemagne et, le général commandant le VIIIe corps d’armée. Il me faut ajouter qu’un wagon-salon était mis à ma disposition. C’est dans ces conditions que je quittai Luxembourg le dimanche 9 août, à midi. Après une notification un peu brutale, la mesure d’expulsion dont j’étais l’objet fut exécutée avec courtoisie. Un train spécial me ramena jusque Cranenburg, dernière station du réseau allemand sur la ligne de Glèves-Nimègue.


On s’est demandé si le grand-duché de Luxembourg avait entièrement satisfait à ses obligations internationales. Ce fut le premier souci du gouvernement grand-ducal de se mettre, à cet égard, à l’abri de tout reproche. Y a-t-il réussi ? Notre intention étant d’exposer les faits et non de déterminer les responsabilités, nous ne ferons que poser les termes du problème et signaler les élémens d’une solution impartiale.

Chacun sait que la neutralité imposée au grand-duché de Luxembourg par le traité de Londres du 11 mai 1861 est une neutralité désarmée. La forteresse de Luxembourg est démantelée ; la force armée ne peut être qu’une force de police employée « au maintien du bon ordre. » Elle se compose d’une compagnie de gendarmes et d’une compagnie de volontaires, comprenant au total 300 hommes.

Mais il y a d’autres moyens de s’opposer à une invasion que la résistance à main armée. Les défenses qu’on pourrait appeler passives ne sont pas interdites à un petit pays placé, par sa situation géographique, dans une position particulièrement menacée. La capitale du Luxembourg, bâtie sur un promontoire rocheux, se relie aux plateaux voisins par des viaducs d’une hardiesse souvent admirée, et dont les piles recèlent des chambres à explosifs. Les ponts sur la Moselle, certains tunnels auraient pu être détruits pour ralentir tout au moins la marche d’une armée envahissante. Faut-il reprocher au gouvernement grand-ducal de n’avoir pas eu recours à ces moyens de défense, d’une