Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 31.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des obligations de faire. Chacun, pour reconnaître les siens, leur demande des preuves : aux simples mots d’ordre et de ralliement de la précaution militaire se joignent les marques extérieures de l’embrigadement, les servitudes de cohésion.

Les Français mobilisables ou paraissant tels ont été priés de ne pas sortir dans les rues sans pièces d’identité. Un régime analogue serait facilement appliqué à tout le monde, hommes et femmes, adolescens et vieillards[1]. On conçoit encore assez bien la constitution d’un nombreux personnel de vérificateurs, en grande partie bénévoles ; il pourrait rendre vraiment efficace une surveillance restée chez nous, jusqu’ici, à l’état embryonnaire. Mais la « reconnaissance » et l’identification des suspects ne suffisent pas : il faut centraliser les renseignemens, les rapprocher, en faire usage ; il faut les interpréter localement et leur donner une sanction locale. C’est toute une organisation qui mène, suivant une pente naturelle, au groupement de la population dans les mailles d’un réseau hiérarchisé. Le même besoin de distinguer, au sein de la masse nationale, les élémens étrangers non assimilés des élémens autochtones ou réellement acquis, a fait réviser le statut des naturalisés. On tend à dissiper toutes les confusions de noms qui prêtent à de vieux Français une apparence tudesque ; on tend à lier à l’initiative de naturalisation une francisation du nom patronymique : on va au renforcement de la caractéristique nationale par tous les moyens, et en particulier par une sorte de nationalisme des désinences vocatives qui équivaut, sur un autre plan, à l’uniforme des divers corps de troupes.

La vie privée est encore atteinte dans le secret des correspondances postales. En temps de guerre, les prétentions du cabinet noir sont unanimement acceptées : on sent qu’elles répondent à une nécessité publique. On a même retardé systématiquement et parfois supprimé les lettres ; on a empêché, avec grande raison, les combattans de faire savoir à leur famille où ils se trouvaient. À ces obstacles mis à l’échange des idées, on a joint des entraves à la circulation des personnes, surtout dans la zone des armées, mais aussi en quelques points importans de l’intérieur.

Ainsi la protection des intérêts publics rend nécessaires des

  1. On a proposé le livret civique individuel, avec photographie et empreinte digitale.