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sur la terre, elle cessera de l’être un jour ; tes promesses ne sont point vaines ; puisque le premier Principe est intelligent, mon âme est immortelle.

Les générations se succéderont, les mondes s’altéreront, les philosophes et leurs livres et leurs systèmes, les sophistes et leurs erreurs et leurs blasphèmes s’abîmeront dans la nuit éternelle, mais mon âme surnagera pour recevoir le prix dû à ses souillures ou à sa pureté ! Mon âme surnagera, car elle est immortelle, puisque le juste vit obscur et que les grands criminels oppriment l’univers.

Mais, dans toutes les suppositions, dans celles mêmes qui seraient absurdes et coupables, l’homme juste devrait-il les envier ? Devrait-il murmurer contre le grand Ordre qui régit l’univers, dans lequel il est aisé d’expliquer les maux qui attristent l’humanité ? C’est, messieurs, ce qui me reste à examiner avec vous.


DEUXIÈME PARTIE

Ce n’est point un devoir de l’homme que de croire qu’il y a un Dieu. C’est une nécessité aussi grande pour celui qui a quelque logique que de croire à sa propre existence. Un homme sensé ne peut se dissimuler que tous les êtres doivent avoir une Cause et une Cause souverainement intelligente. Ce qui est de devoir, c’est de respecter le Moteur suprême, de se confier à lui, d’étudier les lois qu’il a données à la Nature, et, lorsqu’on ne trouve pas le nœud de quelque difficulté morale ou physique, de croire que l’Etre plus que puissant et plus que juste a toujours fait pour le mieux, quoique nous ne puissions pas toujours comprendre la cause et le motif de tous ses décrets ; parce que nous en comprenons assez pour être certains qu’il n’a rien fait sans raison ni avec injustice.

Et qui de nous oserait prononcer, en effet, que les révolutions dont nous croyons avoir le plus à gémir, ne sont pas nécessaires à l’harmonie de l’ensemble ? A Dieu ne plaise, ô mes frères, que celui qui porte l’empreinte de vos plaies dans son cœur, ait formé la vaine entreprise d’anéantir dans ses discours le mal qui pèse sur la terre ! Je connais, hélas ! des hommes vertueux, aux yeux de qui la société a changé de face par l’iniquité de leurs frères. Errans, calomniés, proscrits pour avoir trop aimé leur pays et leurs concitoyens, la maison qu’ils