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Je suis persuadé, après une lecture attentive du document inédit que je publie aujourd’hui, et après une longue étude des actes et du caractère de Mirabeau qui remonte à ma publication de la Mission secrète à Berlin[1], que le célèbre tribun avait réellement des convictions spiritualistes et croyait à l’existence de Dieu aussi bien qu’à une vie surnaturelle. J’ai déjà indiqué au début de ce travail les sentimens et les déclarations qui font de Mirabeau un déiste. Il avait reçu dans sa première éducation les conseils d’un pieux ecclésiastique, le P. Joubert, supérieur des Théatins, que le marquis de Mirabeau lui avait donné pour confesseur. Le P. Joubert ne niait pas que l’enfant n’eût un caractère rebelle et ne donnât, au point de vue religieux, que de médiocres espérances. Mais, doué d’une intelligence surprenante, épris d’un désir extraordinaire de savoir, écolier attentif, puis étudiant zélé, Mirabeau trouva, dans ses innombrables lectures et dans les notes immenses qu’il recueillit, non pas l’accroissement d’une foi juvénile, mais des idées profondes et sérieuses qui, en dépit de ses écarts de conduite, relevèrent son esprit et le soutinrent plus d’une fois, malgré ses défaillances.

Il le reconnaissait lui-même, et c’est ce qui explique son cri de douleur à La Marck : « Ah ! que l’immoralité de ma vie fait de tort à la chose publique ! »

Dans une lettre fameuse écrite à Frédéric-Guillaume II, lors de son avènement, il conclut ainsi : « Que l’Eternel, moteur des destinées humaines, veille sur vos jours ! Qu’il vous les accorde doux et actifs, c’est-à-dire remplis par le travail consolateur qui élève et fortifie l’âme ! » Et prêchant au monarque la tolérance, il ajoutait : « Donnez un démenti formel à ceux qui vous ont annoncé comme intolérant ; montrez-leur que votre respect pour les opinions religieuses remonte à votre respect pour le Grand Etre et que vous êtes loin de vouloir prescrire la manière de l’adorer ; montrez que, quelles que soient vos opinions philosophiques ou religieuses, vous ne prétendrez jamais au droit absurde et tyran nique d’y ranger les autres mortels ! » Spiritualiste et tolérant, tel nous apparaît Mirabeau. Dans un fragment inédit qui fait suite aux Conseils donnés à un jeune prince, j’ai trouvé la mention des vertus religieuses accolée à

  1. Librairie Plon, in-8o, 1900.