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d’officiers, grisés par les sophismes pangermaniques, dont ils avaient longtemps joué et profité, mais dont ils finissaient par être eux-mêmes les dupes, en attendant d’en être pris un jour pour les responsables et les victimes expiatoires !


Les ambitions coloniales de l’Allemagne avaient donc, en 1911, atteint ceux de leurs objets qui devaient profiter le plus immédiatement au développement de l’Empire et cela, non seulement sans coup férir, mais même en accord parfait avec la France, l’Angleterre et la Russie. Ces grandes Puissances, les seules qui pussent réellement faire obstacle à une expansion de l’Allemagne à travers le monde, lui avaient reconnu tout au contraire dans la Turquie d’Asie une sphère d’influence économique qui, de l’Anatolie à la Mésopotamie, lui assurait, non seulement un vaste domaine d’exploitation et même de peuplement, mais encore la possibilité de créer, de Hambourg au golfe Persique, une voie commerciale directe et d’une incalculable importance. En Afrique, elles ne s’opposaient pas à ce que l’Allemagne se mit d’accord avec la Belgique et le Portugal, pour étendre à travers leurs possessions un réseau de voies ferrées ou fluviales, qui n’auraient pas manqué de mettre peu à peu tout le commerce de l’Afrique centrale entre les mains du plus grand, du plus riche et du plus industriel des États coloniaux de ces régions. L’Allemagne trouvait là encore toutes les facilités nécessaires pour développer son industrie nationale à l’aide des minerais, des caoutchoucs, des bois et autres matières premières dont elle eût, en fait, au bout de quelques années, à peu près monopolisé sous son pavillon l’exportation de la côte d’Afrique vers ses ports. Et ainsi se fût réalisé peu à peu le rêve pangermaniste d’une Afrique centrale tout entière allemande, sinon par l’administration, du moins par le commerce et, partant, par l’ensemble des influences que peut se créer sur un pays neuf la Puissance qui contribue le plus à son développement.

Nous n’oserions affirmer qu’en matière de politique mondiale la majorité de l’opinion allemande en soit encore aux conceptions un peu simplistes du programme pangermaniste de 1911, exposé alors dans le livre publié sous le titre de Gross-Deutschland et le pseudonyme de Tannenberg. Là, on faisait