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Mais du jour prochain où la nation entière, réalisant enfin la grandeur du péril germanique, rejettera ces préjugés séculaires, elle mettra en œuvre pour de puissantes armées nationales des élémens incomparables. D’une part, la vigueur physique de la race, entretenue dès l’adolescence, est maintenue dans l’âge mûr par la pratique des sports. L’Anglais aime passionnément les sports : c’est dire qu’il ne redoute pas la peine, qu’il aime la lutte, qu’il se complaît au spectacle de l’effort, de la violence même, pourvu qu’elle demeure sportive ; car il possède l’esprit combatif individuel.

D’autre part, le patriotisme, le loyalisme, l’énergie tenace, le sentiment de la discipline, le calme et le sang-froid, toutes ces qualités natives, dès qu’y sera joint l’esprit de sacrifice universel, contribueront à faire du soldat anglais, même non volontaire, un combattant redoutable.

Le citoyen anglais aime passionnément son pays et cet attachement tient à des racines profondes aussi vieilles que la patrie elle-même. Or, la patrie anglaise, le dear Old Country, comme disent nos voisins, est la plus ancienne des patries européennes. Ce fait a résulté de la situation particulière de la Grande-Bretagne, son insularité, qui lui a permis de réaliser de bonne heure son unité nationale. Celle-ci était chose accomplie dès la fin du XIIIe siècle, s’achevant par l’annexion du pays de Galles, moins de deux cents ans après l’organisation de la conquête normande. En France, au contraire, l’unité du royaume, patiemment et lentement élaborée par les rois capétiens, fut mise en grand péril par deux crises redoutables, guerre de Cent ans, lutte contre la maison de Bourgogne, et la grande œuvre d’unification n’était complétée par les derniers Valois qu’à la fin du XVe siècle.

Mais lorsqu’un pays possède des frontières extérieures aussi nettement et invariablement déterminées que celles d’une île, son unité géographique, réalisée par la nature elle-même, prépare son unité politique. L’idée de patrie se développe ainsi de bonne heure, en supposant celle de l’ennemi extérieur, du danger commun que fait courir l’étranger à tous ceux d’une même race. Pour la race anglaise et invariablement depuis sept cents ans, la Patrie c’est l’Ile, l’Ile inviolée, la vieille terre