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nous occupe, je pense, pour ma part, que les armateurs ont surtout désarmé leurs navires au début des hostilités par prudence, et aussi faute de fret, parce que tous les transports par voie ferrée étaient suspendus. Ils n’ont pas, à proprement parler, été dépourvus d’équipages, puisque, à la date du 26 août, la plus grande partie des inscrits n’était pas encore atteinte.

Je reconnais toutefois que les capitaines ont éprouvé, du fait de la mobilisation des inscrits, une certaine gêne et surtout une grande inquiétude au sujet du recrutement de leurs équipages, qu’il eût été préférable de placer aussitôt en sursis d’office : cette mesure aurait dû être préparée dès le temps de paix ; prise au moment des hostilités, elle risquait d’apporter des perturbations graves dans les services militaires et surtout dans ceux de la reconnaissance et du front de mer qui demandaient à fonctionner dès les premières heures de la guerre.

Plus tard, lorsque les armateurs ont voulu faire naviguer leurs navires, ils se sont heurtés à des difficultés du fait que les inactifs avaient été rappelés ; mais pouvait-on laisser ces hommes dans leurs foyers, alors qu’on ne savait pas encore s’ils seraient plus tard embauchés ?

Non, évidemment.

Alors que toutes les branches de l’activité nationale avaient été touchées par le passage de la nation tout entière sur le pied de guerre, il n’était, d’ailleurs, pas possible que seule l’industrie des transports maritimes ne sentit pas la répercussion de ce bouleversement. L’insécurité des routes due à la présence des navires sous-marins ennemis a souvent contrarié le recrutement de la main-d’œuvre maritime. Les dispositions prises pour mettre les inscrits en devoir de se prononcer entre le service dans les tranchées ou l’embarquement commercial, ont indirectement profité à l’armement parce qu’elles ont fait naître des vocations nouvelles.

Dans ces conditions, les intérêts de la marine marchande ne paraissent pas avoir été sérieusement sacrifiés, si l’on en juge par la statistique suivante établie au 1er mars 1915, jour où la mobilisation a été achevée :

Sur 303 navires armés au long cours, antérieurement à la mobilisation, il y en avait 288 armés. Ce déchet de 15 unités, soit 5 pour 100, est d’autant moins anormal que plusieurs voiliers figuraient parmi les bâtimens désarmés. Quant au