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laisse en sursis les équipages des chalutiers, en est la preuve, et le Département, en dissolvant la brigade des fusiliers, vient de montrer qu’il entendait se réserver des marins disponibles pour l’embarquement. Les armateurs peuvent désormais être convaincus que leurs intérêts, qui coïncident avec ceux du pays, ne seront pas négligés, si tant est qu’ils l’aient été jusqu’ici.

Dans un autre ordre d’idées, l’amiral Bienaimé a fait remarquer : « La Marine a pris pour ses services les hommes des classes les plus jeunes ; pour les marins servant sur les navires de commerce, elle a, d’une manière générale, mis en sursis ceux qui s’y trouvaient, et, pour le surplus, les embarquemens se sont faits au hasard des offres sans aucune règle. » Ce grief est fondé. Toutefois, il était malaisé, sans désorganiser l’armement commercial, de substituer le choix de l’administration à celui des armateurs auxquels il importait d’ailleurs de conserver des hommes dans la force de l’âge. En réalité, tous les inscrits qui l’ont voulu ont pu trouver des embarquemens. Mais les pêcheurs répugnent absolument à naviguer au commerce ; il y a entre ces deux catégories d’inscrits des cloisons étanches aussi impénétrables qu’entre un marin et un ouvrier d’usine. Au moment de leur levée, les inscrits ont été mis en demeure d’embarquer au cabotage ou de suivre leur destination militaire. S’ils ont préféré cette dernière solution, ce n’est point la faute de la Marine. Celle-ci a fait son possible pour aider les capitaines à remplacer les malades et les hommes manquans pour une cause quelconque, et l’on peut affirmer qu’en poursuivant tous les désœuvrés, les autorités navales ont procuré de nouvelles recrues à la flotte commerciale, ces hommes n’étant pas plus désireux de naviguer au commerce que d’aller se battre dans les tranchées. Le bureau de l’Inscription maritime est devenu pour eux une sorte d’agence de placement maritime.

Le rapport de la Commission énonce « qu’une armée de plantons encombrent les services accessoires de la Marine et jouissent des avantages dont on prive les vieux pères de famille qui donnent, à côté de leurs frères de l’armée de terre, les preuves de vaillance que l’on sait. » Ceci ne regarde point l’Inscription maritime. Au lieu de retenir à elle tous les hommes jeunes dans des fonctions parfois très éloignées des dangers de la guerre, la Marine aurait dû prendre des