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se vanta d’avoir reçu des Allemands autant et plus d’armes, de munitions, et d’argent qu’il en pouvait désirer. Puis il fit lire au major nombre de télégrammes et de messages sans fil qui lui avaient été envoyés par des Allemands depuis le début de septembre, et puis encore la copie d’un traité qu’il avait signé naguère avec les autorités allemandes, et qui garantissait l’entière indépendance des diverses républiques sud-africaines, — document qui, s’il était authentique, avait de quoi « illustrer » à merveille le désintéressement des cosignataires du colonel Maritz, car l’Allemagne n’y demandait nulle autre récompense, en échange de ses sacrifices d’hommes et d’argent, que le seul plaisir d’être témoin de la satisfaction de ses nouveaux amis les Boers !


Aussi bien n’en finirais-je pas à vouloir extraire, de l’instructif récit de M. Sampson, des exemples typiques de la fourberie et de l’impudence foncièrement « allemandes » du colonel Maritz. De la même manière que son premier « germanisateur, » le général Beyers, le jeune colonel a vraiment égalé, sans trace d’effort, les modèles allemands qu’il avait eu l’occasion de connaître : à tel point que ce serait assez de l’observer d’un peu près pour mesurer tout ce qu’a d’aisément et de terriblement « infectieux » le contact familier d’une race qui d’ailleurs, cette fois comme toujours, ne s’est pas fait faute de décorer orgueilleusement du nom de « culture » son émancipation des scrupules et « préjugés » moraux de l’ancienne civilisation européenne. Mais encore pourrait-on dire que Beyers et Maritz ont eu besoin de ce contact personnel de leurs maîtres allemands pour devenir semblables à eux : tandis que la leçon à beaucoup près la plus u suggestive » qui ressort pour nous du livre de M. Sampson nous y est donnée par le spectacle de la rapide et profonde « germanisation » de milliers d’autres agens de la rébellion sud-africaine de 1914 qui, ceux-là, n’ont guère pu approcher leurs alliés et inspirateurs allemands, et qui cependant, dès le jour où ils ont commencé à respirer, pour ainsi dire, un air saturé d’influence allemande, se sont montrés tout de suite les dignes émules des envahisseurs de la Belgique et de la Pologne. Car le fait est que, d’un bout à l’autre de cette guerre civile heureusement arrêtée par l’admirable énergie du général Botha, c’est comme si tous les paysans boers enrôlés dans l’armée anti-anglaise, c’est comme si ces hommes jusqu’alors tout naïfs et loyaux avaient dorénavant deviné d’instinct les secrets d’une stratégie nouvelle, consistant à se servir des ruses les plus basses