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Pampelune manquaient d’à-propos. Ils arrivaient avec une stalle très confortable au moment où celui qu’ils invitaient à s’y asseoir se préparait à courir le monde.


III. — L’APPRENTISSAGE

De la mi-novembre 1536 jusqu’au 7 avril 1541, c’est-à-dire depuis sa sortie de Paris jusqu’à son embarquement de Lisbonne, la vie de François ne fut qu’une préparation continue à la vie d’apôtre nomade qu’il devait mener aux Indes. Ces cinq années sont des années d’apprentissage. Si détaché qu’il fût des dignités humaines, il n’en restait pas moins, jusqu’à la fin de son séjour à Paris, l’homme d’Université, le maître ès-arts du collège de Dormans-Beauvais. Désormais, ses titres ne le portent plus : il faut qu’il se soutienne par lui-même. Et tout conspire à le dresser au dur métier pour lequel, sans qu’il le sache encore, Dieu l’a choisi.

D’abord aux fatigues physiques. Ignace les attendait à Venise. Ils avaient décidé de partir en janvier. Mais ils virent le moment où ce leur serait presque impossible. La guerre avait éclaté entre François Ier et Charles-Quint. Les Espagnols avaient envahi la Provence, pendant que les troupes allemandes, sous la conduite du comte de Nassau, bien fournies d’artillerie, brûlant et saccageant tout, marchaient droit sur Paris, qui réparait à la hâte ses vieux murs, tendait des chaînes sur sa rivière, emmagasinait des vivres et fabriquait des munitions. Mais, le 12 septembre, les Impériaux étaient contraints de lever le siège de Péronne, en laissant, sous les remparts de la ville, bon nombre d’entre eux qui, selon le mot du maréchal de la Marck, n’iraient pas, cette année-là, vendanger nos vignes comme ils s’en étaient vantés[1]. Au même moment, Charles-Quint levait le siège de Marseille et faisait retraite de Provence en Italie. Cependant, la route d’Allemagne parut moins dangereuse aux Iniguistes. Ils hâtèrent leur départ. Leur brigade, qui s’était augmentée de trois nouvelles recrues, le Provençal Codure, le Savoyard Le Jay, le Picard Broët, les deux derniers déjà prêtres, se réunit à Meaux vers le 15 novembre et gagna la Lorraine. Puis ils pénétrèrent en Allemagne ; ils traversèrent Bâle et

  1. Henri Lemonnier, Paris menacé (Revue de Paris, 1er janvier 1915).