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Mardi 16 octobre.

Hier, nous avons été à la messe à Maunbach. Mme Vieillard pense qu’il faut que le Prince soit pressé d’être seul pour jouir du voisinage de Maunbach, pour n’avoir pas dit un mot afin de retenir M. Vieillard. La teinte rosée de Mlle Louise à l’arrivée du Prince et l’affectation qu’ils mettent à ne se rien dire est une preuve, dit-elle. Cela fait que, pour ne pas les gêner, sitôt après que la messe a été dite, je me suis sauvée toute seule, laissant toute la société à Maunbach... Après déjeuner, j’ai commencé à mettre les romances de la Reine en ordre, j’ai été interrompue par Mme Salvage. D’un air majestueux, elle est venue nous dire qu’elle allait distribuer les souvenirs que la Reine nous laisse. M. de Querelles, assis à une table comme un notaire, écrivait une formule de reçu, que nous devions signer tous, à commencer par moi. Cette forme donnée à une chose toute de cœur me serrait à la gorge. Je me suis sauvée pour cacher mes larmes. Je suffoquais, il me fallait de l’air, à peine ai-je regardé le beau cachemire que la Reine me laisse, cette Sévigné, ces bracelets qu’elle a tant portés !... Mme de Crenay étaient en bas et y étaient encore à la nuit quand je suis descendue. Le Prince les a reconduites chez elles en faisant bien attention de ne se placer à côté de Mlle Louise que lorsqu’il a été hors de vue. Il n’a reparu qu’au diner. J’ai continué l’arrangement des romances avec ce bon Querelles. Il paraît qu’il s’est grisé le jour de l’enterrement, chez les Aman, et que le Prince l’a grondé...


Mardi 17 octobre.

Le Prince me dit poliment de ne pas me presser. Nos arrangemens d’effets font que je me rencontre souvent avec lui, et toujours pour en recevoir de bons procédés. A chaque instant, il veut me donner quelque chose. Hier, c’était un bonnet de dentelles de vingt louis, dit Mme Tascher. Je le refusai... Elisa m’a conté qu’elle a parlé au Prince de ses amours avec Louise et qu’il a répondu de manière à la rassurer tout à fait... Le Prince était dépité d’une lettre de M. Rugger, qui lui dit qu’on va le faire renvoyer d’ici. Comme cela vient du prince de Furstenberg, et par suite du grand-duc, il s’en inquiète ; il voudrait qu’on le laissât tranquille ici ; il est bien décidé à ne