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Il vint à Paris, suivi bientôt de ses deux frères, pour y faire ses études de droit. Elles lui plurent. Il avait quelque goût de la subtilité comme on ne laisse pas d’aimer les difficultés dont on est sûr de sortir. 1870 le surprit comme il venait de conquérir sa licence. Il fit la campagne comme officier des mobiles du Cantal et s’acquitta brillamment de son devoir.


Après la guerre, il entra presque en même temps dans la rédaction du XIXe Siècle et au ministère des Affaires étrangères, et il suivit longtemps ces deux carrières parallèles de diplomate et de journaliste. Dans la première, il parvint rapidement jusqu’au grade de ministre plénipotentiaire. Dans la seconde, il quitta assez vite le XIXe Siècle. Ce journal un peu léger, un peu agressif déjà, ne lui agréait pas extrêmement. Au fait, c’était un journal assez singulier. Il avait des rédacteurs très brillans : Edmond About, Francisque Sarcey, Schnerb ; et il s’y dépensait énormément d’esprit ; mais il ne savait pas très précisément où il allait. Le meilleur jugement qui ait été porté sur lui l’a été dans cette exclamation de Sarcey. Il venait de causer avec Edmond About, et il entrait dans la salle commune. Je le vois encore faire irruption en levant au ciel ses bras courts et en s’écriant : « Ah ! mes enfans, c’est excellent ! About qui vient de me parler de la ligne du journal ! » Il était vrai : le XIXe Siècle n’avait pas de ligne.

Charmes, qui aimait l’ordre et la méthode, se trouvait gêné de cette incoordination des efforts. Il passa au Journal des Débats avec son frère Gabriel, sous les auspices du vieil ami de sa famille, Silvestre de Sacy. Très vite il fut content de son journal, et son journal fut content de lui. Le Journal des Débats, à cette époque, s’acheminait, par évolutions assez savantes, vers la « République conservatrice, » comme on disait alors. La vieille rédaction orléaniste se retirait et était remplacée par de jeunes écrivains pleins d’ardeur sous la direction active et zélée de Patinot. Le Bulletin politique était rédigé à tour de rôle par M. Jules Dietz, André Heurteau et Francis Charmes. Ernest Renan restait fidèle à son journal, comme il disait, et lui donnait de temps à autre quelque « Variété. » Le général de Galliffet venait y causer avec son brillant esprit et ses saillies imprévues. La maison était sérieuse, « avec de la gaieté dans