Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de lutte, mais du service rendu à ceux mêmes qui ne combattent point avec nous, et qui, par nous, cependant, échapperont au joug, à l’absorption dont les menaçait l’orgueil, l’égoïsme de l’Allemagne. Ce que nous offrons au monde, c’est, non pas ce qui, sous le nom de culture et d’organisation supérieure, n’est, avec le régime allemand, que l’unité dans la servitude, mais, au contraire, la liberté des peuples, l’indépendance des petits comme des grands Etats, le respect des civilisations nationales, l’union dans les pensées, les sentimens, les aspirations qui sont communs à l’humanité tout entière. Tandis que l’Allemagne, qui a déchaîné la guerre, y poursuivait l’exécution d’un plan de conquête universelle, la France revendique, avec les réparations du droit, le retour au foyer national des deux provinces qui lui ont été arrachées ; la Russie défend l’indépendance de la Serbie et de tout le slavisme menacé ; l’Angleterre s’est armée pour l’indépendance de la Belgique et la liberté du monde ; l’Italie, dégagée d’une alliance dans laquelle elle avait été sacrifiée, libère les terres qui lui avaient été ravies, rectifie les frontières, et concourt à l’œuvre commune d’affranchissement ; le Japon, après avoir purgé le continent et les mers d’Asie des établissemens, soldats et bâtimens allemands, s’acquitte loyalement de ses devoirs d’allié ; la Belgique, la Serbie, le Monténégro, soutiennent énergiquement, à côté des grandes Puissances libératrices, la lutte contre les Empires oppresseurs. Tous les Alliés mènent en outre le grand combat contre la vraie cause et le redoutable instrument de cette guerre, contre le militarisme prussien, qui, après avoir conquis et uni l’Allemagne, l’avoir façonnée à sa mode et selon ses desseins, l’avoir absorbée dans un rêve monstrueux d’orgueil et de domination, l’a détachée de l’humanité et précipitée comme un fléau contre l’Europe. Ce qui doit sortir de cette lutte gigantesque, c’est, avec la victoire des Alliés, celle de l’humanité et de la civilisation, telle que l’humanité l’a voulue et faite, non pas celle de Thor et Odin, et du vieux Dieu qu’invoque Guillaume II, mais celle que, depuis l’origine des siècles, la conscience des hommes et des peuples a conçue et appelée de ses vœux, celle que le monde gréco-romain, le Christianisme, la Renaissance, le magnifique effort des trois derniers siècles, ont inlassablement rapprochée de l’idéal ; celle à laquelle toutes les nations ont concouru, celle à laquelle l’Allemagne seule a