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le Conseil municipal ont demandé la suspension passagère de la loi de 1897, qui prohibe sa cohabitation avec le beurre dans les mêmes boutiques.

Par leur prix excessif, les fromages aussi contribuent à la raréfaction des beurres ; le profit sur le fromage est plus grand ; il s’est monté depuis la guerre des fromageries importantes : avec deux litres de lait, on fait un camembert qui vaut 1 fr. 10, — juste le double des 0,55 centimes qu’il coûtait il y a deux ans. — Le brie a suivi la même progression : de 3o francs la dizaine, en gros, à 72 francs ; le port-salut, de 200 à 380 francs ; le pont-l’évêque, le coulommiers ont aussi doublé. Quant aux gruyères, français ou suisses, au roquefort et au munster, qui, malgré son nom germanique, vient des environs de Remiremont (Vosges), leur augmentation est plus discrète, — 70 pour 100, — mais on en manque.

On a aussi manqué d’œufs l’hiver dernier ; à l’époque où la ponte est presque nulle, ils valurent couramment à Paris 240 francs le mille, en novembre, c’est-à-dire 2 fr. 88 la douzaine, en gros. Notre temps, qui a inventé l’aéroplane et la télégraphie sans fil et qui, dans le domaine alimentaire, a résolu beaucoup de problèmes en apparence plus difficiles, n’a pas encore trouvé le moyen de faire pondre les poules en toutes saisons, ou de conserver les œufs frais sans dommage d’une saison à l’autre. Nous importions donc chaque automne, en octobre, des œufs de Russie et de Sibérie, — 154 000 quintaux en 1913, — puis, de janvier à mars, des œufs bulgares ou galiciens, moins gros que les russes. Tous reconnaissables à un goût particulier, dû peut-être aux fibres de bois de leur emballage, mais valant seulement de 85 à 105 francs le mille, formaient les trois quarts de la consommation urbaine durant plusieurs mois de l’année. Depuis la fermeture des Dardanelles, la réduction des importations étrangères sur ce chapitre se chiffre par 310 000 quintaux ; ce qui, au poids de 55 kilos le mille, représente plus de 56 millions d’œufs de moins. Les œufs marocains, plus petits que les français, dont on signale depuis peu quelques arrivages, se vendent, comparativement à leur grosseur, aussi cher que les nôtres. Bienvenus d’ailleurs sur notre marché, où cette denrée n’a cessé d’enchérir ; le mille d’œufs du Midi, qui valait 75 francs il y a sept ou huit ans, au début du printemps, coûtait, en 1913, 90 francs ; il s’est vendu