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faire donner tout son rendement militaire, de supporter enfin les extrêmes fatigues physiques et morales de l’existence la plus anormale et la plus dangereuse qui soit, à tous égards.

Ensuite on était obligé de reconnaître que la perfection relative de certaines méthodes de destruction des submersibles employées par les marins alliés rendait fort désirable une augmentation sensible du rayon d’action en plongée, ou, si l’on veut, de la durée maxima de ce genre de marche entre deux émersions consécutives, tandis que l’extension continuelle des théâtres d’opérations, en même temps que les difficultés croissantes des ravitaillemens clandestins, conduisait à porter le plus loin possible le rayon d’action en surface. Or, ces deux avantages ne pouvaient être obtenus que par l’accroissement très marqué du tonnage.

Ce n’est pas tout. Si l’on voulait vraiment pousser les opérations des sous-marins contre l’Angleterre et ses alliés jusqu’au point où le ravitaillement de ces Puissances (le mot de ravitaillement étant pris dans son sens le plus large) serait sérieusement compromis, il fallait, de toute évidence, user du canon contre la foule des « cargo-boats, » en réservant les torpilles pour les grands paquebots ou les navires de guerre ; et il était donc nécessaire d’avoir des soutes à obus bien approvisionnées, ce qui représente du poids et exige du déplacement.

Enfin, ce n’était pas seulement des torpilles et des obus que l’on entendait se servir : la rage de voir les « magnifiques succès » des armées allemandes annihilés par l’action lente, mais sûrement efficace, du blocus économique, avait fait passer sur les quelques restes de scrupules qui pouvaient persister dans la conscience des violateurs de toutes les lois internationales, et l’on s’était résolu, comme je le disais plus haut, à mettre en jeu, d’une manière tout à fait contraire aux prescriptions de la conférence de La Haye [1], les mines libres ou dérivantes, lesquelles ne peuvent être théoriquement employées que dans une action de guerre de durée limitée et doivent couler automatiquement une heure après avoir été jetées à la mer. Or, quel meiliôur véhicule et mouilleur de mines que le sous-marin, qui sème ces dangereux engins à peu près comme il veut et où il veut, puisqu’il agit sans être vu ? Il fallait, par conséquent, donner

  1. Convention VIIIe : 18 octobre 1907.