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pour notre agriculture est dans l’emploi des procédés mécaniques et l’application des conquêtes les plus récentes de la chimie agricole ; Pour la sauver, il faut donc, avant tout, d’une part remplacer les hommes et les bêtes par des moteurs, d’autre part perfectionner la nature même du travail de la terre, notamment dans le sens que nous avons indiqué au cours de notre dernière chronique.

Dans cet ordre d’idées, les pouvoirs publics pourront avoir une heureuse et décisive influence. Car, comme disait Voltaire, que je ne me lasse point de citer : « Il faut de grandes avances pour améliorer de vastes champs ;... le gouvernement seul est assez puissant pour de telles entreprises ; il y a plus à gagner que dans une guerre. » Et ailleurs : « Nous fournissons les cours d’Europe de danseurs et de perruquiers ; il vaudrait mieux les fournir de froment ; mais c’est à la prudence du gouvernement d’étendre ou de resserrer ce grand objet de commerce. »

En tout cas, le jour qu’il faut espérer prochain où nos industriels auront entrepris la construction, sur une vaste échelle, des appareils motoculteurs, et qui pourra leur fournir non seulement le marché de la France, mais les débouchés sans limites de l’immense Russie et des autres pays d’Europe, qui par la force des choses entreront tous dans la voie de cette agriculture nouvelle, ce jour-là ils feront bien de s’inspirer des méthodes systématiques qui président aujourd’hui, dans les usines américaines spécialisées, à la construction des machines agricoles. Au sujet de ces méthodes la mission Damour nous a apporté des précisions intensément pittoresques, suggestives, et qui montrent d’une manière frappante avec quelle minutie ces méthodes sont calculées pour produire au plus haut degré ce que les Américains appellent l’efficiency.

Nos amis là-bas admirent profondément « la merveilleuse France, » comme l’appelait dans une conversation récente M. Houston, ministre de l’Agriculture des États-Unis. A notre tour, nous n’avons qu’à gagner à étudier de près la prodigieuse systématisation du travail et de l’industrie qui règne là-bas. Nous y trouverons peut-être le moyen de perfectionner un peu certains rouages de la France, qui est, comme la terre française elle-même, une machine admirablement puissante, mais dont le rendement peut et doit être amélioré.

Regardons un peu plus ce qui se fait chez le voisin et ne craignons pas d’en profiter. Nous avons malheureusement, dans tous les domaines, une tendance à ne tout vouloir tirer que de notre propre fonds, et, si quelqu’un a découvert ailleurs une planète, à n’avoir