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VAUCROIX, saisi. Il a lâché les mains de sa femme.

Je vous mens ? En quoi ?

BERNARDINE, avec désespoir..

Et vous continuez !... Pierre, allez à Biarritz, chez votre maîtresse. Car Julie est votre maîtresse. Je le sais. Restez-y le temps que vous voudrez. Je ne dirai rien. Je ne ferai rien. Vous reviendrez, et je vous recevrai comme je vous ai reçu hier. Elle reviendra, et je la recevrai comme je l’ai reçue ce matin. Mais la force d’une femme a ses limites, et vivre là-bas sous son toit, avec mes enfans, sachant ce qu’elle vous est, jamais ! Je ne peux pas. Je ne peux pas. (Elle prend sa tête dans ses mains.) Ah ! je m’étais tant promis de ne pas parler ! Seulement, vous auriez dû me comprendre à demi-mot, m’épargner.

VAUCROIX.

Voyons, Bernardine. Quand on accuse un homme et une femme comme vous nous accusez, Julie et moi, on s’appuie sur des présomptions ou sur des faits. Les présomptions peuvent tromper, les faits être faux.

BERNARDINE.

Et vous mentez toujours ! Que vous la défendiez, votre honneur d’amant le veut. Vous devriez pourtant bien voir que c’est inutile et que je sais.

VAUCROIX.

Que savez-vous ? Qui vous a parlé ?

BERNARDINE.

Personne... Ah ! C’est bien simple. Pendant ces affreuses semaines où je vous ai cru mort, je venais vous pleurer ici, dans cette chambre où vous avez tant vécu. Je touchais vos livres. Je rangeais vos affaires. Je vous jure sur la tête des enfans que je ne cherchais rien, que je ne soupçonnais rien. Un jour, notre notaire vient me demander si vous n’aviez pas laissé un testament, une lettre, des instructions quelconques. Vous m’aviez confié vos clefs. J’ouvre vos tiroirs, ceux-ci (Elle montre le bureau) l’un après l’autre. Dans le dernier, à droite, celui qui a une