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homme, il a du courage... La crise s’étant calmée, il est allé dormir auprès des trois autres qui ronflaient, et, à cinq heures, M. Tascher a gagné son lit. Je suis restée seule près de cette pauvre femme jusqu’à sept heures et demie. De temps en temps, elle m’appelait. Comme j’étais à genoux : « Vous êtes mal, me disait-elle, vous êtes assise par terre. » ... Charles a été à Constance s’occuper du deuil, je trouve cela inconvenant et déchirant à la fois. J’ai peur que M. Tascher, à qui le Prince a donné carte blanche, ne lui attire du blâme en se pressant trop...


Valérie à sa sœur.


Le 6 octobre, au matin.

Ne t’inquiète pas de moi, chère amie, le bon Dieu me donne le courage et la force qui me sont nécessaires dans ces tristes momens, et ces détails, près de la Reine dont tu t’effrayes pour moi, me sont au contraire une consolation. Je ne l’ai pas encore perdue entièrement tant que je puis m’occuper d’elle. ... La Reine est encore dans sa chambre. Le pauvre Conneau va l’embaumer. On fera les cérémonies religieuses à Ermetingen. et puis on attendra réponse de Paris, je crois, car je ne sais rien, je ne me mêle de rien que de la Reine, parce que là est mon cœur et mon devoir ; du reste, on ne me dit rien. Le testament a été ouvert. Mme Salvage en est l’exécutrice. Elle nous a fait venir, Elisa et moi, dans sa chambre pour nous lire, ainsi qu’aux femmes, l’extrait qui en avait été copié pour être lu nous regardant. Le Prince est bien pauvre et bien accablé de charges. Elisa et moi sommes traitées de la même manière : mille francs de pension, un cachemire, un petit bijou...


Vendredi soir 6 octobre.

Je ne veux pas que tu sois inquiète de moi, je me porte bien et le courage ne m’a pas manqué au milieu de ces tristes détails... M. Tascher m’a dit par forme de conversation que mercredi après le service, la Reine était enterrée pour tout le monde et que personne n’avait plus après le droit de vouloir l’accompagner nulle part, à moins que le Prince ne le désirât. J’en ai conclu qu’il compte se charger seul de cette mission que tu supposais que l’on me donnerait. Je suis donc libre de partir