Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/940

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parmi les ecclésiastiques, philanthropes, publicistes, et autres bons citoyens de toute nature avec lesquels je travaille en cordiale sympathie, beaucoup sont de provenance allemande, et quelques-uns sont nés en Allemagne, — ce qui ne m’empêche pas de m’accorder avec eux tout à fait aussi pleinement qu’avec des compatriotes issus d’anciens colons américains : mais notre bon accord résulte de ce que ces hommes et ces femmes, tout comme moi, sont des Américains, et pas autre chose.


J’ai tenu à citer, tout d’abord, ce passage éminemment caractéristique du dernier livre de l’ex-président Roosevelt, — d’un livre qui se trouve n’être, en réalité, qu’un recueil d’articles ou de conférences, rassemblés sous un titre que l’on pourrait traduire par quelque chose comme ceci : Crains Dieu, et ne crains pas de remplir ton devoir ! Le fait est que nulle autre part, peut-être, à travers tout le livre, ne nous apparaît avec autant de relief ce que je serais tenté d’appeler l’ « égoïsme » ingénu de M. Roosevelt : mais à coup sûr, il n’y a pas une seule page du livre où ne se trahisse semblablement à nous la très innocente satisfaction de soi-même que ressent le fameux homme d’État, sportsman, et « publiciste » américain. « O Rome fortunée, sous mon consulat née ! » sans cesse la lecture du nouveau recueil nous remet en mémoire la manière dont s’épanchait autrefois l’orgueil patriotique du farouche accusateur de Catilina ; — et l’on entend bien que Catilina, dans le réquisitoire l’ex-« Consul » new-yorkais ne manque jamais à revêtir la paisible et circonspecte figure du président Wilson. Tout de même que M. Roosevelt se proclame « fier » des divers élémens « ethniques » du sang de ses veines, nous devinons qu’il l’est aussi de ses « chasses d’Afrique » et de ses exploits militaires, pour ne rien dire de ses « dix années de fonctions publiques en qualité de Gouverneur et de Président. » Ne va-t-il pas jusqu’à nous offrir en guise d’appendice, sous le titre bien « topique » de : Un Record de Préparativisme, la reproduction complète d’un abondant discours où certain sénateur de ses amis s’est naguère employé à établir que, dès l’année 1882, le jeune Roosevelt soutenait déjà la nécessité, pour les États-Unis, d’une « préparation » militaire et navale qui eût de quoi les garantir de tout risque d’agression, — ou même simplement d’humiliation, — de la part des grandes Puissances européennes ?

Mais par-dessous cette « fierté » tout à fait inoffensive, — et d’ailleurs très légitime à plus d’un point de vue, — je ne saurais dire combien la plupart des sentimens politiques exprimés par M. Roosevelt nous révèlent à la fois de sagesse généreuse et d’intrépide élan,