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On sait en effet que dès le premier jour, — et longtemps presque seul parmi les « autorités » politiques de son pays, — M. Roosevelt a réclamé l’intervention des États-Unis en faveur de la Belgique. Si encore, disait-il, le nouveau gouvernement de Washington partageait l’opinion, — pour fausse et révoltante, et funeste, qu’elle soit, — suivant laquelle les États-Unis ont le devoir et le droit de se désintéresser du reste du monde, l’attitude qu’il a adoptée y trouverait son excuse ; mais évidemment cette opinion n’est point la sienne, puisqu’il a laissé jusqu’au bout sa signature, en compagnie de celles des grandes Puissances européennes, sous l’acte solennel qui garantissait la neutralité de la nation belge ; et ne suffirait-il pas de cette signature pour le contraindre à une intervention qui, d’ailleurs, ne lui est pas moins rigoureusement commandée par tout un ensemble de traditions religieuses et morales ? Je résume là en quelques lignes un argument que l’on pourra voir développé à maintes reprises, dans tout le cours du livre de M. Roosevelt ; et voici, par exemple l’une des pages où l’auteur rappelle à ses compatriotes tout ce qu’a eu d’incroyablement criminel la conduite de l’Allemagne à l’égard de la Belgique :


Ne nous lassons pas de tenir nos yeux fixés sur le cas de la Belgique ! Celle-ci a fidèlement observé ses obligations internationales. Elle a rempli ses devoirs dans un esprit de loyale impartialité. Elle n’a négligé aucune occasion d’affirmer le maintien de sa neutralité, et de l’imposer au respect des autres nations. La manière dont l’Allemagne s’est conduite envers elle a été une violation flagrante de la loi des nations, et un crime monstrueux contre l’humanité. On chercherait vainement, dans toute l’histoire, un spectacle plus odieux que celui des représailles exercées par les Allemands contre la Belgique pour lui faire expier sa courageuse défense des droits nationaux et des obligations internationales. L’Américain qui approuverait ce traitement infligé à la Belgique, ou même qui hésiterait simplement à le condamner, se montrerait indigne de vivre dans un pays libre, indigne de prendre place parmi des hommes d’une âme droite et d’un cœur généreux. Aucun des autres crimes accomplis par l’Allemagne depuis le commencement de la guerre européenne n’a aussi profondément atteint et blessé notre conception de la loyauté internationale. Et aussi bien est-ce de ce premier acte d’impardonnable traîtrise que sont dérivées toutes les infamies allemandes ultérieures. Ce qui n’empêche pas que ce crime sans nom de l’Allemagne ait été accueilli chez nous d’un silence quasiment approbateur, et cela malgré nos promesses solennelles à la Belgique !

Je ne parle pas, en ce moment, des « atrocités » hideuses que nous attestent les rapports de deux commissions officielles, anglaise et française. Je ne veux m’occuper que de faits sur lesquels aucune contestation n’est