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de courage plus que des autres. Disons seulement qu’elle a été une image fidèle du pays entier.


« LA CLASSE CONTINUE »

« La classe continue… » cette phrase que nous venons d’écrire résume tout ce qui va suivre. La guerre avait éclaté pendant les vacances. Elle n’était pas finie pour la rentrée de 1914. Et nous ne savons pas pour quelle rentrée elle sera finie. L’idée que la vie scolaire ne reprendrait pas à date fixe, quoiqu’il y eût alors de plus graves soucis, n’est pas venue un instant à l’esprit de ceux dont c’est la fonction d’en assurer la régularité. Pendant que l’on se bat sur la Marne, quand le lendemain est encore incertain, des fonctionnaires obstinés préparent donc la rentrée. Ainsi le paysan mène son labour jusqu’à la tranchée proche. Rien ne doit être en friche de ce qui a été sauvé de terre française. Les jeunes intelligences, dont nous attendons tant de réparations nécessaires, doivent être en friche moins que tout le reste. Mais poser un principe ne suffit pas. Comment faire ? Nous avons dit combien de professeurs et d’instituteurs étaient mobilisés. Or on ne remplace pas un professeur ni même un instituteur comme on remplace le premier employé venu, et l’improvisation en pareille matière est impossible. L’idée vint, surtout lorsqu’on se mit à appeler des classes moins jeunes, d’atténuer la rigueur des lois militaires, non pas en faveur des maîtres, mais par nécessité, parce qu’on ne voulait pas se passer de l’école, et parce que l’école ne pouvait se passer de maîtres. De même on renvoie aujourd’hui à l’usine l’ouvrier indispensable. On eût renvoyé à cette autre usine cet autre ouvrier. Les maîtres ne le voulurent pas. La Fédération des Amicales d’instituteurs protesta contre une proposition de loi déjà déposée : « Les instituteurs estiment, est-il dit dans cette protestation, qu’ils ont le devoir et le droit de participer aux obligations de leurs classes respectives. » Toute mesure d’exception eût compromis à leurs yeux l’honneur de leur corporation. Et l’enseignement secondaire, dans lequel les remplacemens étaient un pire problème encore, suivait nécessairement le sort de l’enseignement primaire, fixé immuablement par ces nobles scrupules. Cette difficulté n’était pas la seule. Les locaux manquaient. Ils étaient réquisitionnés, quelques-uns pour des cantonnemens militaires, le plus grand