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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/322

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suffisait plus, comme y seront reçus plus tard les enfans serbes. Mais il y avait aussi des professeurs belges sans emploi et quelquefois sans ressources. L’hospitalité française s’étendit à eux. M. Wilmotte, professeur à l’Université de Liège, eut l’honneur d’ouvrir la série de ces hôtes de notre Université. Cela lui était peut-être dû. Elève de Gaston Paris, il était devenu à Liège, où il enseignait, et dans toute la Belgique, l’apôtre du français et de la France. Contrairement à tous les règlemens, cet étranger fut nommé professeur à la Faculté des lettres de Bordeaux. Le gouvernement était alors à Bordeaux, M. Wilmotte a depuis suivi le gouvernement à Paris. La date de sa nomination n’est pas indifférente, elle est du 8 septembre 1914. D’autres noms suivirent : M. de la Vallée Poussin a enseigné au Collège de France, M. Brachet à la Faculté de médecine de Paris, M. de Wulff à l’Université de Poitiers, M. Doutrepont à l’Ecole des Hautes-Études, à Paris, et à l’Université de Dijon. En ouvrant ses chaires à des professeurs belges, l’Université de France avait cru d’abord n’accomplir qu’un geste de haute courtoisie. Sa bonne action lui fut profitable. Car, à la suite des maîtres que nous avons nommés, il en vint qui occupèrent dans l’enseignement primaire ou dans l’enseignement secondaire quelques-uns de ces postes dont la vacance momentanée créait de graves embarras. Comment ils furent accueillis, c’est ce qu’il faudrait ajouter. Un seul fait. Un maître d’une école moyenne, située près de Charleroi, est nommé au lycée de Mont-de-Marsan. Il est marié et père de six enfans avec lesquels il a fui, dénué de tout. On le sait à Mont-de-Marsan. Il trouvera, en arrivant, une maison qu’il n’aura pas à louer, dans cette maison des meubles et de la literie qui lui seront prêtés, dans les armoires du linge et des vêtemens d’enfant, dans le buffet des provisions pour les premiers repas. Voilà la gentillesse de l’accueil français. Et voilà des liens qui s’ajoutent à ceux que la fraternité d’armes à créés.

Donc, les classes ont repris. La première classe d’octobre 1914 a été faite à Bordeaux par le ministre même de l’Instruction publique, classe enflammée et vibrante. A la même heure, dans toute la France, pour cette première rencontre des élèves et des maîtres après les mois tragiques, l’enseignement eut le même objet : la patrie, ses épreuves, et ses invincibles