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désapprobation formelle des pénitences à grand fracas dont les Portugais aimaient assez le spectacle.) Et voici qui est plus particulier à l’Inde : « Quand vous aurez à confesser des capitaines et des marchands, faites qu’ils vous exposent d’abord la manière dont ils procèdent dans leurs opérations commerciales. Si vous vous contentez de leur demander : « Avez-vous fait quelque tort ? » ils vous répondront : « Aucun. » (Rappelons-nous les trois jours de confession de Juan de Eyro ! )

Enfin des conseils généraux : « Ne mêlez jamais les séculiers à vos querelles, et ne vous plaignez jamais des indigènes devant les Portugais. Quant aux femmes, voyez-les seulement à l’église ou, si vous êtes obligés d’aller chez elles, que ce soit accompagné d’un homme de bien, et le moins souvent possible. Elles prennent beaucoup de temps ! Si elles sont mariées, occupez-vous surtout des maris : ils sont moins inconstans. S’il y a discorde dans le ménage, traitez avec l’homme ; et n’ayez aucune confiance dans les dévotions de celles qui prétendent qu’elles serviraient Dieu davantage en se séparant de leurs maris. Ces dévotions-là durent peu et se réalisent d’ordinaire en scandales. Ne donnez jamais tort publiquement au mari, même quand il l’aurait ; car les femmes sont endiablées. »

Ces instructions devaient être plus agréables à entendre dans le décousu d’un entretien qu’elles ne le sont à la lecture. Il a beau, quand il les rédige, les numéroter article par article : il en est comme des récits de ses lettres où l’ordre naturel est sans cesse rompu. Il n’ordonne point rigoureusement ses pensées, et c’est un défaut pour un organisateur. Il en avait d’autres. On l’admirait ; on le vénérait ; mais les plus avisés désiraient tout bas un directeur qui ne fût pas uniquement, et par intermittence, un excitateur d’énergie. Ses trois années de Malaca et des Moluques avaient paru lourdes aux nouveaux venus jetés dès leur arrivée dans d’étranges solitudes ou tombés au milieu des stériles agitations de Goa. Ceux qui avaient approché Ignace, comme l’Italien Nicolas Lancilotti, éprouvaient un peu l’impression de gens qui, après avoir travaillé sous la direction d’un homme d’Etat, se trouveraient tout à coup mis aux ordres d’un poète lyrique. L’écho de leurs déceptions et de leurs plaintes était allé jusqu’à Rome. Les lettres peu substantielles de François, ses absences prolongées, avaient surpris Ignace ; et on ne peut attribuer qu’à un étonnement, qui ne voulait pas