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Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/607

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Et les devoirs des élèves ressemblent à des actes de foi. On est entre Français et on ne craint aucune trahison. L’expression contenue cependant des sentimens tire, comme cela arrive souvent, plus de force de cette contrainte même. Nous savons tout cela, et il y des précisions sous chacun des mots que nous écrivons. Nous savons aussi qu’on fait, en même temps, un sincère effort pour s’abstraire, pour apprendre, pour travailler. Et peut-être est-ce à cet effort dans sa simplicité, que nous devons encore le plus d’admiration et de reconnaissance.


ÉCOLES D’ALSACE

C’est le cœur moins oppressé que nous pénétrons dans les écoles d’Alsace. Elle fut même joyeuse la rentrée de la langue française en Alsace, et la douce langue prit, pour se faire entendre dans le lambeau de terre reconquise, des accens de fanfare. La chronique s’est emparée de la « première classe. » Ce fut à Massevaux, bourg de 3 600 habitans. Un soldat français eut l’honneur de la faire, n’était-ce pas justice ? C’était un Alsacien qui sut parler en patois aux enfans, ce qui provoqua de joyeux éclats de rire. La classe roula sur ce thème : la France est notre patrie. Un petit enfant, interrogé sur ce que faisait son père, répond d’une voix forte, un éclair d’orgueil dans les yeux ; « Mon père est soldat français. » Décidément ce sera besogne facile que de faire des Français de ces petits Alsaciens. Rapidement, l’enseignement est partout organisé. On pratique pour les leçons de langue la méthode directe. La discipline automatique, qui amusait et choquait nos maîtres au premier abord, s’assouplit entre leurs mains, et les élèves prennent, comme feront leurs parens, l’habitude de la liberté. L’autorité militaire a gardé la haute main sur l’administration scolaire, aidée d’ailleurs par un inspecteur primaire d’un département voisin. Il y a déjà 4 500 élèves avec plus de 100 maîtres ou maîtresses. Dans une forte proportion, des instituteurs et des institutrices en fonctions ont pu être maintenus, présentant des garanties absolues de loyalisme. C’est de bon augure. La même politique sans doute sera continuée. Non que les candidatures fassent défaut pour les fonctions d’enseignement en Alsace. Elles abondent, et déjà une université française de Strasbourg se dessine avec des noms illustres. L’autorité militaire emploie dans une forte proportion