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avait proposé d’abord de fixer à deux ans, mais à laquelle, sur la demande de plusieurs États, on n’a pas assigné de terme. Dans le Nord de la France, en Belgique, en Russie, en Serbie, les exploitations minières, les cultures même demeureront suspendues, à la paix, pendant un laps de temps nécessaire pour aménager à nouveau le sol dévasté. De là, dans les produits agricoles et manufacturés, un déficit qui, pour certains, sera de longue durée : les forêts qui ont souffert ne pourront fournir pendant des années aucun bois d’œuvre. Des prohibitions de sortie, adoptées en temps de guerre, seront donc appliquées par les Alliés au charbon, au bois, au fer, à divers métaux et matières premières ou alimentaires, que l’intérêt des pays de l’Entente leur commande de ne plus abandonner aux industries allemandes.

Nos ennemis dépendent de nous, en effet, pour nombre de produits dont nous avons le monopole : la Nouvelle-Calédonie et le Canada possèdent la presque totalité des minerais de nickel, aujourd’hui indispensable à la métallurgie sous forme d’alliage. Sur une production mondiale de 2 200 000 tonnes de minerai de manganèse, la part des Alliés représente 84 pour 100, celle des ennemis 4 pour 100 et celle des neutres 12 pour 100. L’extraction du platine est tout entière aux mains de la Russie. En ce qui concerne les textiles, du côté des Alliés se trouvent 350 000 tonnes de chanvre contre 76 000 du côté des ennemis ; ceux-ci n’ont pas de coton, les Alliés en récoltent 1 115 000 tonnes dans leurs colonies. Les quatre cinquièmes du fin cultivé dans tout l’univers sortent de leurs pays ; le jute vient exclusivement des colonies anglaises et il est tondu annuellement 70 000 tonnes de laine chez nos ennemis contre 780 000 chez les Alliés.

En nous réservant nos matières premières, nous développerons chez nous des industries que jusqu’ici nous laissions échapper : nous vendions aux Allemands la baryte, base de l’eau oxygénée, et nous leur rachetions cette eau fabriquée par eux, sauf à en être privés en cas d’interruption des rapports commerciaux, comme il est arrivé au commencement de la guerre. Les Allemands s’étaient rendus maîtres de nos principaux gisemens français de minerai d’aluminium, — la bauxite, — les plus riches du monde, et nous revendaient en barres le métal affiné chez eux. Nos alliés ne montraient pas moins