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allemandes de la Russie ; les inspecteurs aussi et aussi les examinateurs aux universités pour la délivrance du diplôme sont Allemands ; il a fallu improviser la préparation des médicamens et des objets d’hygiène, jusques et y compris les thermomètres. « Il faut veiller à l’exportation des produits pharmaceutiques, disait le député von Werder au Landtag de Prusse le 19 février dernier, et ne pas se laisser guider par des considérations sentimentales. La Russie ne peut renvoyer sur le front que 15 pour 100 de ses soldats malades ou blessés ( ? ), tandis que nous en renvoyons 70. »

Bien mieux, en fait de peaux et fourrures, qui sembleraient devoir être une industrie nationale, les Russes dépendaient de l’Allemagne et de l’Autriche pour les tannins, les préparations chimiques, la machinerie et les expéditions mêmes, effectuées par une branche du German Lloyd qui n’était « russe » que de nom. Les Etats-Unis, dont les achats directs ont augmenté depuis la guerre en Russie, se plaignent que les cuirs y soient mal écorchés et conditionnés, qu’ils perdent 12 pour 100 au transport, au lieu de 2 à 4 pour 100 d’après les méthodes américaines et allemandes. Aux Russes les Allemands retournaient même, toutes préparées, pour 17 millions de fourrures qu’ils recevaient brutes de Sibérie et de Russie.

Simple détail : quoiqu’il y ait en Russie une masse de hêtres, les rivets ou attaches de hêtre pour les barils employés à l’exportation des beurres de Sibérie venaient tous d’Allemagne. Dans le commerce des laines, des cotons, des soies, des caoutchoucs, les Allemands occupaient la première place, et une place exclusive dans le commerce des chapeaux et bonnets, de la céramique, des articles de bureau, de la joaillerie. Leur rivalité avait même tué certaines méthodes de travail des pierres, autrefois usitées dans l’Oural.

L’Angleterre qui, pendant des siècles depuis le règne d’Elisabeth, avait été prédominante dans l’empire des tsars, y était tellement distancée qu’en 1912 l’augmentation du commerce anglais était de 1 million et celle de l’allemand de 88 millions de francs. Et l’on n’en est pas trop étonné si l’on apprend que nombre de consuls et d’agens consulaires anglais en Russie étaient avant la guerre de nationalité allemande. Les Allemands n’hésitaient pas à mettre sur leur coutellerie de camelote de Solingen les noms des plus célèbres manufactures anglaises