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sculpture et la peinture ensuite : il rappelle avec délectation les « peintures décentes » qui décoraient son oratoire… Ces deux contradicteurs eurent raison, sans trop de peine semble-t-il, du grand fondateur de l’ordre de Cîteaux… Et celui-ci d’ailleurs par le lyrisme mystique de ses apologies de la Sainte Vierge, par l’influence décisive qu’il eut sur le développement du culte de Marie contribua puissamment à renouveler, à multiplier les sources de l’iconographie qui allait trouver dans les imagiers des Notre-Dame de Soissons, de Noyon, de Senlis, de Laon, de Paris, de Chartres, de Reims, d’Amiens et de Rouen d’admirables interprètes.


Il ne suffit pas d’un procédé nouveau pour créer un art vivant et expressif : il faut que l’invention de ce procédé coïncide avec un profond mouvement des esprits et des cœurs, qu’elle puisse être mise au service d’un grand besoin social, d’un programme moral sorti du plus intime de l’âme nationale. Si le XIIIe siècle est un grand siècle français, si le vieux Schnaase a pu écrire qu’après le siècle de Périclès il n’en est pas de plus grand dans l’histoire de l’humanité, c’est que dans les cathédrales françaises vinrent se combiner et s’épanouir toutes les forces actives du pays et de la race ; et l’intérêt passionnant qu’offre leur étude est de suivre, dans leur construction et les mille détails de leur statuaire, non seulement le développement d’un système donnant par une sorte de logique active toutes les conséquences contenues dans son principe, mais aussi l’illustration magnifique et plastique d’un grand moment de la pensée chrétienne sous sa forme française. Après que l’invention des arcs ogifs eut été complétée par de nouveaux organes d’appui et de butée, la pile et l’arc-boutant, et qu’il fut bien évident que — la solidité de l’édifice étant assurée par un jeu équilibré de poussées et de résistances — les murs devenaient inutiles et pouvaient sans aucun danger être remplacés par les sublimes verrières qui renouvellent à toutes les heures du jour le mystère et l’enchantement de leurs symphonies colorées, on vit, de décade en décade, s’enhardir la science des constructeurs et l’essor de l’église. Les tribunes qui, à Senlis, à Noyon, au transept méridional de Soissons, à Laon, à Paris, dans toutes les cathédrales commencées dans la seconde moitié du