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Pardonnez-moi, mon cher Président, ces franches explications ; plus je vous aime, plus je vous dois une entière sincérité.

Notre journée a été plus calme que la nuit et la matinée ne le présageaient, mais je redoute celle de demain.

En recevant les télégrammes m’annonçant l’arrivée des troupes par Versailles, j’ai de suite fait demander à M. de Bismarck l’autorisation pour elles de traverser Versailles. Il me fait immédiatement répondre que l’autorisation est accordée pourvu que les soldats passent en wagon sans s’arrêter…

Croyez bien, cher Président et excellent ami, à ma profonde affection.

JULES FAVRE.

Un préfet ! — un procureur général ! — un préfet de police ! — un procureur de la République ! un ambassadeur à Madrid, à Vienne, un ministre à Bruxelles ! — des négociateurs ! — et surtout un gouvernement ! — une loi municipale pour Paris, — réélection, conseils généraux, municipaux, — mesures financières. Et si tout cela ne se peut maintenant, ma liberté !…


M. Thiers à M. Jules Favre.

Bordeaux, 5 mars 1871.

Mon cher collègue et bien cher ami,

Vous êtes bien cruel pour moi en me parlant tout de suite de démission pour des difficultés qui ne sont ni mon ouvrage ni celui de nos collègues, ni celui même des hommes. L’Assemblée est composée de partis divers, vous le savez, et quelques-uns d’une impatience intolérable. Elle m’est pour le moment dévouée, je ne sais pour combien de temps, mais elle est profondément défiante, non pas de moi, mais de la situation elle-même et je ne puis pas la quitter un moment, nos collègues eux-mêmes ayant besoin d’être tenus ensemble à cause de leur différence d’origine. Dans cette situation, je ne puis vous arriver qu’avec l’Assemblée elle-même. Or, la déplacer est difficile. Pourtant elle y a consenti en ayant pour Fontainebleau une préférence très prononcée. Succéder aux Prussiens à Versailles lui est odieux. Elle a entendu parler de l’infection du palais ; elle trouve le voisinage trop rapproché et je crois qu’on l’aura plus