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et qu’on appelle, comme nous avons vu, son plafond. Cela se démontre aussi très facilement, et tombe d’ailleurs sous le sens, puisque, comme je l’ai expliqué, l’altitude du plafond dépend de l’excédent de charge emporté par l’appareil.

Enfin il existe une troisième incompatibilité et fort curieuse : pour un avion disposant d’un moteur donné et portant un certain poids, la vitesse en vol horizontal, et l’altitude maxima, la hauteur du plafond, sont des qualités contradictoires. Voici un raisonnement qui nous fera comprendre cette chose, au premier abord étrangement paradoxale. A un avion dont le plafond est à 2 000 mètres coupons légèrement les extrémités des ailes : nous aurons diminué du coup sa force portante, c’est-à-dire sa surcharge maxima, c’est-à-dire la plus haute altitude à laquelle il peut parvenir. Mais du même coup nous aurons augmenté sa vitesse puisque nous aurons diminué sa résistance à l’avancement.

Aussi par des diminutions progressives des surfaces portantes on arriverait à des avions très rapides, mais ne pouvant s’élever qu’à one faible hauteur. Tels étaient les appareils qui, en 1913, gagnèrent la célèbre coupe Gordon Banuet. Portant un seul pilote, du combustible pour une heure seulement, ils faisaient plus de 200 kilomètres à l’heure. Mais ils n’auraient pu s’élever bien haut, et si la course avait eu lieu sur un plateau situé à quelques centaines de mètres d’altitude, à Mexico par exemple, ces merveilleux appareils, ces dieux de la vitesse n’auraient pas même pu quitter le sol.

De tout cela, et sans qu’il soit besoin de poursuivre, comme on le pourrait, notre démonstration, il résulte très nettement qu’on construira très différemment un avion selon qu’on le destine à voler très haut, ou très vite, ou très loin, à porter une faible charge ou un poids considérable. Il y a longtemps d’ailleurs qu’avec son intuition de précurseur, Clément Ader avait deviné cette spécialisation des avions et qu’il écrivait : « Chaque type d’avion doit être constitué pour la fonction qu’il est appelé à remplir. »

Il nous reste maintenant, à la lueur de ces quelques généralités, à examiner le rôle des divers types d’aéroplanes de guerre. Dans cet examen la petite classification que nous avons établie plus haut nous servira de fil d’Ariane. Aussi bien, nous sommes ici dans le royaume qu’ambitionna follement l’audacieux fils de Dédale.

On n’attend d’ailleurs point de moi que je donne ici des renseignemens sur les perfectionnemens récens dus à l’ingéniosité de nos constructeurs et de nos techniciens et qui ont contribué à faire de nos