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en Allemagne des questions maritimes ou coloniales, et qui sans relâche poussait les populations allemandes, soumises au même empereur par Bismarck, soumises aux mêmes lois par Lieber, vers la conquête économique de l’univers. La correspondance de presse où s’alimentaient les organes du parti était elle-même nourrie par sa turbulente pensée ; et les rapports que périodiquement il consacrait à l’activité du Centre affermissaient son ascendant personnel. Il aimait s’ériger en théoricien de l’épanouissement germanique et des droits absolus du germanisme à s’épanouir. Un jour de 1913, il crut devoir rassurer, — ou bien endormir, — un journaliste belge en lui représentant que la Belgique pouvait compter sur les traités, que le Centre était là pour en assurer le respect[1]. Mais deux ans plus tard, lorsque les droits absolus du germanisme paraîtront exiger que certains chiffons de papier soient déchirés, M. Erzberger parlera, agira, comme s’il n’y avait plus de place, en son esprit, pour la vieille idée chrétienne de la subordination de la politique à la morale, et plus de place, en sa conscience, pour le souci de la morale. Et cédant à sa griserie, on le verra commettre les lignes que voici :


A la guerre, la plus grande absence de scrupules, si l’on y va intelligemment, coïncide en fait avec la plus grandi ; humanité. Quand on est en situation d’anéantir Londres par un procédé approprié, cela est plus humain que de laisser un seul de nos camarades allemands perdre son sang sur le champ de bataille, car une telle cure radicale amène la paix au plus vite. L’hésitation et la temporisation, la sensiblerie et les égards sont d’impardonnables faiblesses. Une action décidée et sans scrupules-, voilà la force, et la victoire suit[2].


Nous voilà loin des maximes que professait, il y a quarante ans, une autre notabilité du Centre, Uermann de Mallinckrodt. « Je me tiens sur le terrain du droit, disait-il, tel qu’il est défini par les traités[3] » Il réclamait la « pleine justice » (volle Gerechtigkeit) pour les nationalités non allemandes qui appartenaient à l’Empire. « L’honneur suprême du pays, insistait-il, commande que l’Empire conduise sa politique de la façon la plus loyale. » Lorsqu’un Mallinckrodt prononçait le mot

  1. Journal de Bruxelles, 26 août 1913, cité dans René Johannet, La Conversion d’un catholique germanophilev lettre ouverte de M. Emile Prüm à M. Mathias Erzberger, p. 139, n° 2 (Paris, 1915).
  2. Der Tag, 1915, n° 30 (cité dans Johannet, op. cit., p. 48).
  3. Pfülf, Hermann v. Mallinckrodt, 2e édit, p. 392 (Fribourg, 1901).