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comme deuxième acte de l’occupation, une offensive politique contre le catholicisme. A l’avant-garde de cette offensive, une thèse historique s’échafaudait : elle soutenait que le germanisme, jusqu’au XVIe siècle, avait été le maître du terroir belge, et que l’Eglise romaine, en dérobant la Belgique à la Réforme, c’est-à-dire à la forme germanique de l’idée chrétienne, s’était rendue responsable de la décadence du germanisme sur la Sambre et sur l’Escaut.

Les conséquences d’une pareille thèse n’échappèrent pas à M. Julius Bachem, directeur de la Gazette populaire de Cologne[1] ; et l’on sentit qu’il devenait chagrin, à la pensée que pour germaniser la Belgique certains Allemands y souhaitaient une politique anticatholique. M. Bachem peut se rassurer ; l’heure est proche où les catholiques belges n’auront plus besoin de la pitié des catholiques d’Allemagne. Mais je retiens ce fait, qu’un aussi avisé politique, qui a jadis vécu les heures du Kulturkampf, crut devoir passer outre à certaines consignes d’optimisme pour jeter le cri d’alarme. On s’est vivement scandalisé, au-delà du Rhin, lorsque nous notions, dans les plus cruels épisodes de l’invasion allemande en Belgique, la survivance de l’esprit du Kulturkampf[2] ; et l’un des anciens collaborateurs de M. Bachem à la Gazette populaire a, dans la Revue générale de Munich, annoncé notre « suicide littéraire[3], » tout comme la Gazette de Francfort annonçait récemment le suicide philosophique de M. Emile Boutroux. Mais voici que l’invitation même de M. Bachem nous amène à ressaisir l’esprit du Kulturkampf dans les suggestions de M. Zimmermann, qui n’iraient à rien de moins qu’à battre en brèche, dans la catholique Belgique, la religion traditionnelle du pays.

M. Bachem, regardant de plus près, constatait que dès maintenant, et comme pour préparer le futur Kulturkampf beige, on publiait avec fracas la traduction d’un vieux roman historique dû à la plume d’un pamphlétaire anticatholique, Charles de Coster[4] : les Gueux y étaient exaltés ; la Contre-Réforme du XVIe siècle, diffamée. On présentait ce livre comme une

  1. Allgemeine Rundschau, 18 décembre 1915, p. 975.
  2. La culture germanique et le catholicisme, p. 29 et suiv. du livre : La guerre allemande et le catholicisme (Paris, 1915).
  3. Allgemeine Rundschau, 15 janvier 1916, p. 30.
  4. Charles de Coster. La légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel (Bruxelles, 1860 et 1893).