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mondiale. Le premier volume se terminait par une conclusion d’évêque ; une préface d’évêque ouvrait le second[1].

Voilà donc des sources autorisées : les aspirations qui s’y dessinent, les tactiques qui s’y essaient, les thèses qui s’y ébauchent, méritent d’être observées.

Il y a quelques années, une librairie protestante d’outre-Rhin publiait deux volumes sous ce titre : Nos éducateurs religieux. Moïse et le Christ ouvraient la galerie ; Bismarck la fermait. Il semblerait, à lire certaines pages catholiques de l’heure présente, qu’un nouvel éducateur religieux a surgi pour le peuple allemand : il n’est autre que Guillaume II. J’en atteste un prêtre de Paderborn, qui par ailleurs, — je tiens à le dire, — multiplie charitablement ses efforts pour venir en aide à nos prisonniers : c’est M. le chanoine Rosenberg. Etudiant « l’idéal religieux chez l’Empereur et dans le peuple, » il s’arrête avec émotion devant la « profonde religiosité » de son Empereur, devant ses sentimens de piété. Il salue, en lui, une « force d’édification, » « une force d’enthousiasme. » Il se courbe devant cette « grandeur morale, » devant cette « conscience religieuse et morale : » ainsi se dresse la physionomie de l’Empereur, devant ses sujets catholiques, comme celle d’un héros de moralité chrétienne[2]. Et de ce héros, insensiblement, on fait un docteur en christianisme.

Inaugurant à Jérusalem, en 1898, l’église luthérienne de la Rédemption, Guillaume se mettait solennellement en scène dans un bruyant procès-verbal. Il revendiquait pour ses ancêtres, Frédéric-Guillaume IV, Guillaume Ier, Frédéric III, la gloire d’avoir installé la Réforme dans Jérusalem ; il s’honorait, lui,

  1. Nous ne nous occuperons pas de ces pages épiscopales, non plus que des écrits pastoraux publiés depuis deux ans par les évêques d’Allemagne. M. le professeur Knoepfler, de la Faculté de théologie de Munich, a dirigé vingt-deux pages d’offensive contre les mandemens de notre épiscopat (Pfeilschifter, Deutsche Kultur, p. 269-290) ; et M. le professeur Krebs, de la Faculté de théologie de Fribourg, reproche à nos évêques de faire « alterner la politique avec les outrages à l’ennemi. » Nous avons, en France, une autre conception de la hiérarchie catholique et de l’unité catholique ; nous estimons que ce serait mal venger des évêques français que de traiter irrespectueusement des évêques allemands, et que tous ensemble, chefs légitimes dans une seule et même Église, sont justiciables de l’Évêque des Évêques, et non de M. le professeur Knoepfler ou de M. le professeur Krebs. Ceux-ci pensent apparemment d’une autre façon : nous nous étions déjà laissé dire, au cours des dernières années, que certains professeurs des Facultés de théologie catholique allemandes étaient devenus assez ignorans des prérogatives du Saint-Siège.
  2. Der deutsche Katholismus im Weltkrieg, p. 1-3 (Paderborn, 1915).