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développant ses propres vues, à l’aide des textes qu’il traduisait et commentait. Ceux dont il avait à faire usage étaient souvent des textes non interprétés encore, dont beaucoup de parties étaient extrêmement obscures, sinon inintelligibles, pour les meilleurs égyptologues. Maspero s’attaquait hardiment aux difficultés, sans craindre de compromettre son autorité de savant dans des tentatives nécessairement conjecturales. Il croyait au raisonnement bien conduit. Sa méthode consistait à étudier successivement les diverses interprétations possibles, à éliminer, par une critique serrée, celles qu’il jugeait inacceptables, à mener ainsi les esprits, à travers une série de déductions coordonnées et progressives, vers la seule qui lui parût vraiment satisfaisante. Il y avait, dans sa manière de faire, de la loyauté, de la hardiesse, de la confiance en la raison. Il y mêlait souvent des intuitions heureuses. Et, à supposer que la solution proposée ne fût pas définitive, la démonstration en elle-même constituait une leçon excellente, qui, d’ailleurs, avait fait surgir, chemin faisant, quantité d’aperçus ingénieux, de suggestions profitables.

L’égyptien des anciens monumens, par l’obscurité de ses formules surabondantes, par l’indécision de ses constructions, offre au traducteur des difficultés toutes particulières, presque insurmontables parfois. Une exactitude rigoureuse est indispensable, et pourtant il faut bien s’arranger pour être compris. Maspero s’était fait, comme traducteur, une méthode, et il en a donné d’innombrables exemples, qui ont fait loi, en France du moins. Ce ne fut pas le moindre des services rendus par son enseignement.


III

Mais, quelle qu’ait été l’importance de son rôle comme professeur, ce qu’il a fait pour la science pendant ses séjours en Égypte fut encore, a n’en pas douter, supérieur en valeur comme en notoriété.

Au cours de l’année 1880, l’état de santé de Mariette, qui avait si glorieusement représenté la science française en Égypte, laissait prévoir sa fin prochaine. Il était à craindre qu’après lui notre influence n’y fût supplantée par celle de l’Allemagne. Pour prévenir ce danger, le ministre de l’Instruction publique,