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servi jadis pour le tsarévitch Alexis, le mauvais fils de Pierre le Grand. Un système de répression qui ne recule pas devant des manifestations aussi éclatantes, qui a derrière lui des exemples historiques aussi frappans, doit nous laisser sans inquiétudes. Peut-être ce système entretient-il dans l’imagination populaire la légende des trahisons. Encore vaut-il mieux que celui qui consisterait à laisser les trahisons ignorées et impunies, quand il vient à s’en produire.

Une période heureuse, des succès comme ceux qu’a remportés le général Broussilof suffisent d’ailleurs à dissiper les méfiances et les mécontentemens presque inévitables excités par des revers passagers. Si l’offensive d’été a pu réussir, c’est justement parce que les nouvelles armées russes ont recueilli les fruits de l’expérience et du travail silencieusement accumulés pendant les quinze derniers mois.

On a beaucoup travaillé, en effet, depuis l’évacuation de la Galicie et de la Pologne. L’administration, — couramment nommée la « bureaucratie » dans le langage péjoratif de l’opposition, — a fait des efforts que le public n’apprécie pas toujours avec assez de justice, parce qu’il ne se rend pas assez compte des obstacles et des difficultés. De leur côté, les commissions de la Douma et du Conseil de l’Empire ont donné une impulsion heureuse à maints rouages de la défense nationale. On a vu surgir, aussi, de la terre et du peuple russe, des institutions originales dont l’action a été bienfaisante. Telle est l’« Union des Zemstvos et des Villes. » Cette organisation, qui, dans la Russie proprement dite, groupe les assemblées locales de la quasi-totalité des gouvernemens, n’était, à l’origine, qu’une œuvre d’assistance et de secours aux blessés. Elle a fini par compter dans ses hôpitaux plus de lits que la Croix-Rouge, plus que l’administration militaire elle-même.

Je revois encore, à Moscou, le prince Lvof, président de l’Union, m’en expliquant le mécanisme dans le bureau nu et sans luxe où il passe ses jours et ses nuits au travail : car on a peine à croire à la simplicité des Russes, à la facilité avec laquelle ils négligent l’apparat, le cérémonial, même le confort. Chez eux, le dernier souci d’un comité qui se fonde est bien de posséder un hôtel, des meubles, une livrée, un équipage… Rien de plus intéressant que la manière progressive dont l’Union est arrivée, un besoin en appelant un autre, à