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caractère même a exalté en France le sens de la guerre. De la guerre de défense, mais aussi de la guerre implacable et sans faiblesse. » C’est M. Chavannes qui parle ainsi. Mais M. Secrétan, dans la préface qu’il a écrite pour le livre de M. Vallotton, dit exactement la même chose, au nom de tous ses compatriotes qu’il a interrogés : « J’ai rencontré un grand nombre de Suisses qui avaient parcouru ou visité la France depuis le mois d’août 1914… Tous, sans exception, m’ont dit leur admiration et leur respect devant le calme, la fermeté, j’ose dire la sérénité des Français, autorités et peuple… Ce peuple est là qui attend, avec une patience que rien ne lasse et une confiance que le temps grandit, l’heure où sonnera la délivrance. Il sait qu’elle ne sera obtenue qu’au prix de sanglans et cruels sacrifices. Il est prêt à tout. Il veut venger l’outrage. Il veut la victoire. Il sait qu’il l’aura, » Nous autres, Français, nous savons bien que ces lignes, écrites en février 1915, sont au moins aussi vraies aujourd’hui qu’elles l’étaient il y a plus d’un an ; mais nous sommes heureux que des étrangers, — et des neutres, — nous rendent ce libre témoignage.

Suivons-les à Paris. Pendant la paix, il est probable, — ils le laissent parfois entendre, — que, tout en subissant son charme, ils ont dû, à l’instar de tant d’autres, penser et dire un peu de mal de la grande ville brillante et bruyante où le luxe et le plaisir éclaboussent si souvent le labeur modeste et le recueillement de la pensée. Ils ne reconnaissent plus leur étourdissant et gai Paris d’autrefois. « Paris, écrit M. Wagnière, est une ville grave et austère, où toute vie de plaisir est suspendue : plus de théâtres, plus de concerts, plus d’autres spectacles que les cinématographes où l’on représente des scènes militaires. Les restaurans et cafés sont fermés à neuf heures et demie, Et le soir, les grands boulevards, qui gardent pendant le jour l’animation réduite des temps de vacances, sont silencieux et abandonnés. » M. Chavannes nous donne la vraie raison de cette gravité nouvelle. Ce qu’on appelait jadis « le vrai Paris » n’était pas du tout le vrai Paris : c’était un Paris factice, artificiel, non français, un Paris cosmopolite, pour tout dire. Et la grande tempête a emporté tout cela. Disparu, tout ce clinquant, ces excentricités, ce luxe tapageur, cette agitation malsaine. « Disparus, les faux Américains et les pseudo-Anglaises de Munich, ou de Vienne… et à la place, le vrai